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sciente. Il ne paraît point qu’aucune impression extérieure faite sur nos organes puisse tout d’abord être perçue sans avoir au préalable subi une ou plusieurs de ces transformations qu’on ne peut révoquer en doute pour les nerfs du tronc, et que l’anatomie nous démontre exister de même pour les sens reliés, comme l’œil et l’oreille, d’une façon plus directe, au moins en apparence, au cerveau.

Cette sensation inconsciente de la moelle qui se propage ainsi jusqu’à la tête, où elle devient perception, est en même temps transmise et transformée dans la moelle même d’une autre manière en cette incitation motrice qui a donné lieu au mouvement du bras chez le supplicié. La réalité est que chaque amas de substance grise, chaque centre de transformation est relié de tous côtés à une infinité d’autres centres avec lesquels il est en communication plus ou moins active, et qu’il influence plus ou moins. Le système nerveux peut être comparé dans son ensemble à un prodigieux réseau télégraphique. Les dépêches de la frontière à la capitale sont transmises par la voie la plus directe ; mais de chacune des stations intermédiaires elles peuvent être lancées dans différens secs, et même revenir vers le point de départ. Seulement la comparaison est incomplète, car nous supposons que le télégramme restera le même dans sa course, tandis que l’effluve lancée à travers les conducteurs de la substance blanche et reçue par la substance grise se modifie, se transforme, change en quelque sorte de nature à chaque station qu’elle franchit. Que si l’on imagine le réseau télégraphique qui nous sert ici d’exemple placé tout entier sous une autorité unique, qui en règle suivant sa volonté et en dirige le mécanisme, il pourra, malgré son extrême complication, fonctionner avec une admirable unité, chaque dépêche arrivant à destination par la voie qui convient sans se perdre en route, s’égarer ou dépasser le but ; mais les choses ne se passent pas ainsi dans le système nerveux. Soumis à nous en partie, il est d’autre part librement exposée, toutes les influences du monde extérieur. Si l’on admet que la volonté, sorte de pouvoir central, dirige quand et comme elle veut les ordres qu’elle envoie aux organes lointains, ceux-ci, soumis à tous les hasards, exposés aux circonstances les plus diverses, flattés ou blessés au moment le plus imprévu, lancent à tout instant vers le sens intime, le centre commun, la nouvelle de ces impressions, et ces impressions, parties de çà ou de là, jettent forcément une perturbation quelconque dans le réseau, même l’ébranlent tout entier quand elles sont trop violentes.

À cette première cause de trouble dépendant du milieu où se heurte notre nature, vient s’en ajouter une autre en quelque sorte intérieure, l’état de détérioration ou d’usure des appareils, la santé