quand on a étudié d’un peu près, la genèse de la mythologie grecque, comment ne pas s’étonner des idées surannées que plus d’un égyptologue nourrit encore sur les origines de cette mythologie, qui a pu faire des emprunts à l’Égypte, comme elle en a fait à presque tous les pays voisins de la Grèce, mais qui n’en avait certes pas besoin pour naître et se développer en vertu de sa propre vitalité ?
C’est pour cela que, dans l’intérêt général des sciences de l’antiquité, il est excellent que d’autres travailleurs, recueillant avec discernement les fruits récoltés par les spécialistes, les comparent, les coordonnent, les rectifient les uns par les autres. Autrement nous creuserions toujours sans avancer d’un pas.
Aussi faut-il encourager les entreprises comme celle d’un savant théologien hollandais, M. Tiele, qui n’a pas craint d’embrasser, dans une comparaison méthodique et détaillée les grandes religions de l’antiquité. Sans prétendre au titre d’orientaliste ou d’égyptologue de profession, il a suffisamment étudié chacune des branches de cet arbre aux rameaux aussi touffus que nombreux pour le décrire en connaissance de cause. Après avoir débuté par une exposition remarquable de la religion du Zend Avesta, il a continué par le tableau historique de la religion égyptienne. D’autres livres consacrés aux religions mésopotamiennes de Babylone et de Ninive, ainsi qu’à leurs congénères de l’Yemen, de Tyr, de Byblos, etc., sont en voie de publication. Une parfaite indépendance dogmatique, un savoir technique toujours puisé aux meilleures sources, de plus ce sentiment esthétique-religieux sans la possession duquel de pareils travaux échouent toujours distinguent cette série d’études, dont pour nous l’intérêt consiste précisément dans l’élévation des points de vue, chaque objet particulier étant étudié d’assez près pour que rien d’essentiel n’échappe au regard, non d’assez près cependant pour empêcher de distinguer les autres.
Ce n’est pas une mince tentative que d’essayer de jeter du jour dans le ténébreux dédale de l’ancienne religion égyptienne. Ce ne sont pas les faits qui manquent au contraire, ils foisonnent, on s’y perd. Pourtant, grâce aux connaissances acquises ailleurs et aux lois tirées par induction de la marche régulière de l’esprit humain en matière religieuse, ce jour commence à se faire, et nous résumerons brièvement les conclusions de l’auteur.
La très haute antiquité de la civilisation égyptienne est de plus en plus confirmée. Elle est attestée par d’irrécusables monumens, qui remontent à plus de quatre mille ans avant notre ère, et dès cette époque reculée elle se montre à nous sous des formes qui supposent de longs siècles de préparation. Le peuple égyptien apparaît donc tout armé sur le seuil de l’histoire, comme Pallas Athéné sortant du front de Jupiter. Au point de vue ethnologique, les Égyptiens appartiennent à la race dite Camise, du