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arrivait alors d’Apollonie, où son oncle l’avait envoyé achever ses études, et il venait résolument réclamer l’héritage du grand dictateur. Il était jeune, inconnu, et il n’avait ni partisans, ni soldats. Il ne semblait pas de force à lutter contre Antoine, Dolabella ou Lépidus, qui s’étaient fait un nom, et qui commandaient des armées ; mais du premier coup il sut s’appuyer sur tous les sentimens populaires que les autres avaient froissés : il déclara qu’il venait venger César et lui rendre les hommages qu’on lui refusait. Il voulut d’abord, conformément aux décrets du sénat, faire placer dans le théâtre un trône d’or et une couronne en l’honneur de son oncle. Antoine trouva encore quelque moyen de l’empêcher ; mais Octave était tenace, et, comme il voyait qu’on négligeait de donner au peuple les jeux que César avait promis pour la dédicace du temple de Venus genetrix, protectrice de sa famille, il en fit les frais lui-même. C’est pendant ces fêtes que parut ce météore dont le peuple fut si frappé, « Tandis que ces jeux se célébraient, racontait Auguste dans ses mémoires, une comète se montra pendant sept jours dans la partie du ciel qui est tournée vers le nord ; elle se levait tous les soirs à la onzième heure, et elle était visible par toute la terre. L’apparition de cet astre parut au peuple la preuve que l’âme de César avait été reçue parmi les immortels, et, lorsqu’on lui éleva plus tard une statue sur le Forum, on plaça cette étoile sur sa tête. » C’était l’astre de la dynastie qui se levait, et les poètes ne manquèrent pas de le saluer.

C’est seulement l’année suivante, en 712, que le culte du nouveau dieu fut officiellement constitué ; on était au lendemain des proscriptions, le sénat n’avait rien à refuser aux triumvirs. Il renouvela tous ses anciens décrets : il fit un devoir de conscience à tout le monde de célébrer la fête de César le 7 juillet, « sous peine d’être voué à la colère de Jupiter et de César lui-même ; » il décréta qu’on lui bâtirait un temple à l’endroit du Forum où son corps avait été brûlé, et où s’élevait la colonne détruite par Dolabelia. Le culte du dieu Jules semble s’être répandu rapidement dans tout l’univers. Nous le trouvons établi dès l’année suivante à Pérouse, où 300 chevaliers et sénateurs, amis d’Antoine, furent solennellement immolés par Octave sur l’autel de son oncle. Il ne tarda pas non plus à pénétrer en Orient et en Égypte, où Dion nous montre Cléopâtre sacrifiant à ce dieu, qu’il lui était difficile de prendre au sérieux ; mais nulle part la divinité de César n’était plus honorée qu’à Rome. La première fois qu’on y célébra sa fête, les réjouissances publiques durent être très brillantes. Les sénateurs, qui seuls auraient pu témoigner quelque tristesse, avaient reçu l’ordre d’être joyeux, sous peine d’une amende d’un million de sesterces