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LES HONNÊTES GENS
SOUS
LA COMMUNE

Paris a eu, à quelques semaines de distance, deux légendes contraires. Dans les premiers jours de février, c’était encore la ville héroïque qui s’était résignée à tous les sacrifices et prêtée à tous les efforts pour repousser l’étranger; avant la fin du même mois, c’était déjà une ville maudite où toutes les violences et tous les crimes avaient le champ libre par la scélératesse des uns et par la lâcheté des autres. Les désordres incessans et toujours impunis qui ont précédé l’insurrection du 18 mars, le foudroyant succès de quelques agitateurs dans cette néfaste journée, ces saturnales de soixante-dix jours qui n’auraient été qu’une grotesque parodie de toutes les fonctions d’un gouvernement régulier, si elles n’avaient fait peser sur une population de près de 2 millions d’âmes tous les genres d’oppression, ce dénoûment lugubre qui s’est présenté à la fois comme la délivrance et comme la délaite de Paris, spectateur impuissant ou complice de l’incendie de ses monumens et des plus horribles assassinats, — c’était plus qu’il ne fallait pour faire oublier la première légende et pour donner tout crédit à la seconde. Il n’y avait pas d’ailleurs contradiction entre l’une et l’autre légende pour les partisans avoués ou déguisés de la rébellion. Ils affirmaient sans hésiter la complicité directe ou indirecte de toute la population parisienne dans une révolution qu’ils glorifiaient sans réserve, ou dont ils s’efforçaient de pallier les excès. Au dire des plus impudens, cette population tout entière se levait comme un seul homme pour la défense de ce qu’ils appelaient ses droits. Les prétendus conciliateurs se donnaient le mandat de négocier au nom de « 300,000 neutres, » tellement attachés à quelques vagues principes que, pour n’en rien