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plus douloureux devoirs, dont aucun n’a été au-dessus de sa sagesse et de son énergie, sont-ils exempts de reproches ceux de ses auxiliaires qui, depuis plusieurs mois, étaient en possession du pouvoir dans Paris, avant de l’avoir reçu en dépôt de ses mains? Plus excusable peut-être a été la défaillance de l’armée, quand elle n’est pas allée jusqu’à la trahison formelle et à de criminels attentats. Trop d’exemples dans notre histoire contemporaine ont autorisé en quelque sorte la faiblesse des troupes régulières devant l’émeute, lorsque celle-ci prend l’apparence d’une révolution. Il ne faut pas oublier toutefois que la faiblesse ne s’est pas bornée, le 18 mars et les jours suivans, au refus de combattre, et que les postes les plus importans, même les forts, à l’exception du Mont-Valérien, même le château imprenable de Vincennes, ont été remis sans résistance aux insurgés. La garde nationale honnête n’a pas à se reprocher des actes semblables : elle a été aveugle, elle s’est prêtre avec mollesse à des devoirs dont elle n’a pas su ou comprendre l’importance; mais elle a offert en somme plus qu’il ne lui a été demandé, et, si elle a sa part de responsabilité dans le commun désastre, ce n’est pas assurément la plus grande.


II.

Le « comité central de la fédération de la garde nationale » ne fut pas moins habile dans le premier usage que dans la préparation et dans la poursuite de la victoire. Il affecta une modération extrême. Il ne s’était emparé du pouvoir que pour le rendre dans le plus bref délai « au peuple de Paris librement consulté. » Il reconnaissait tous les droits, ceux de la province comme ceux de Paris, et il ne songeait pas même à méconnaître ceux qu’avaient concédés à la Prusse les préliminaires de paix votés par une assemblée contre laquelle il s’était insurgé. Il ne s’agissait que d’une modeste révolution municipale. Il est vrai que cette révolution avait débuté par l’assassinat, et qu’elle se continuait par la terreur. Les arrestations arbitraires, presque toujours accompagnées de mauvais traitemens, se multipliaient. Les boutiques étaient mises au pillage sous forme de perquisitions ou de réquisitions. La garde nationale « fédérée, » comme s’intitulaient les mercenaires de l’insurrection, se livrait à tous les excès d’une soldatesque en délire dans une ville conquise; mais ces excès mêmes servaient doublement le comité central : ils effrayaient l’opposition, et ils étaient un argument pour rallier les indécis; tout rentrerait dans l’ordre, si les bons citoyens prêtaient main-forte aux autorités provisoires pour établir un régime définitif.

Les adhérens ne manquent jamais aux faits accomplis. Tant de coups de force se sont fait accepter sans résistance, que le succès en