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postes occupés par les fédérés. L’Ecole polytechnique, entre la place Maubert, aux souvenirs populaires, et celle du Panthéon, où campent jour et nuit quelques-uns des bataillons les plus dévoués au comité central, reçoit la légion du 5e arrondissement. Les premières compagnies qui viennent l’occuper s’y rendent sans bruit, le soir. Ce n’est encore qu’une conspiration; le lendemain, c’est déjà une force assez sûre d’elle-même pour agir en pleine lumière. Toute la journée, les retardataires arrivent, isolément ou par groupes, le fusil sur l’épaule. On les regarde passer non sans inquiétude, nul ne les arrête. A quelques mètres de la porte de l’école se tiennent attentifs les factionnaires de l’autre parti. Le second soir, les préparatifs étaient faits pour soutenir un siège et pour tenter au besoin une sortie agressive. Des adhésions inespérées étaient venues de la part de bataillons qui semblaient acquis au pouvoir insurrectionnel. L’assurance de toucher la solde rallie beaucoup d’ouvriers indifférens ou indécis; d’autres recrues, plus désintéressées, sont fournies par la jeunesse des écoles, infidèle cette fois à ses habitudes révolutionnaires en présenc3 d’une insurrection où elle ne rencontre rien de ce qui parle à l’intelligence, rien de ce qui soulève les passions généreuses.

Ce n’est pas assez de la résistance organisée par arrondissemens; il faut une direction centrale, que l’on ne peut attendre que du gouvernement lui-même. Depuis le 18 mars, le gouvernement n’est plus représenté dans Paris. Il a fait son devoir en se transportant tout entier à Versailles : le salut de la France devait passer avant celui de sa capitale. Ce qui est moins justifiable, c’est le départ du maire de Paris et du général en chef de la garde nationale. Leur place ne pouvait être ailleurs que dans la ville confiée à leur vigilance. Chassés par l’émeute de leur résidence officielle, ils pouvaient trouver un abri provisoire sur quelqu’un des points qui avaient échappé à l’émeute. S’ils se sentaient trop peu populaires pour rendre des services, ils devaient solliciter leur remplacement immédiat. Le général d’Aurelle de Paladines fut seul remplacé le 20 mars. Nul ne pouvait être mieux accueilli pour commander la garde nationale que l’amiral Saisset. Le nom de l’amiral était l’un des plus populaires dans cette courageuse marine qui eût sauvé Paris, si Paris avait pu être sauvé; il venait le septième, par ordre de suffrages, sur la liste des quarante-trois députés de la Seine. Malheureusement l’installation de son état-major au Grand-Hôtel fut tardive et toujours imparfaite, et son commandement de trois jours ne s’exerça jamais qu’au milieu d’une confusion inévitable. La garde nationale d’ailleurs, par son caractère mixte, réclame une direction civile autant qu’une direction militaire. Le maire de Paris n’étant plus revenu à son poste et n’y ayant pas été remplacé, les