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municipalités des arrondissemens se trouvèrent investies par la force des choses de tous les pouvoirs civils, qui leur furent confirmés par une délégation, officieuse plutôt qu’officielle, du gouvernement de Versailles. C’était une situation regrettable à tous égards. Elle était incompatible avec l’unité de direction; elle faisait prévaloir des influences qui ne représentaient ni l’esprit du gouvernement, ni surtout celui de l’assemblée. Les municipalités s’étaient désorganisées avant le siège, comme la garde nationale elle-même. Parmi les maires et les adjoints les plus attachés à l’ordre, plusieurs avaient donné leur démission. Après le 18 mars, d’autres se retirèrent par respect de la légalité. L’esprit radical domina ainsi dans ce qui restait des municipalités. Il dominait également dans une fraction de la députation de Paris qui s’associa d’office à leurs actes. De là ces compromis malheureux qui furent proposés pendant une semaine au gouvernement et à l’assemblée. Ils blessaient, dans toute la France et à Paris même, tous ceux qui avaient un vif sentiment du droit. Ils tranchaient brusquement des questions qui n’étaient pas mûres, et qui ne pouvaient sans péril recevoir une solution précipitée. Ils ne donnaient satisfaction qu’aux demandes avouées des révolutionnaires, dont ils ne pouvaient ni contenter les aspirations réelles, ni désarmer les ressentimens. Ils n’étaient propres qu’à rallier ceux qui s’étaient laissé duper par les promesses d’autonomie municipale dont le comité central avait couvert son usurpation.

L’excuse des députés et des maires est dans une situation tellement grosse de dangers que le gouvernement parut entrer lui-même à leur suite dans ces tentatives de conciliation, et que l’assemblée, quoique non sans mauvaise humeur, ne refusa pas de les discuter. L’amiral Saisset ne craignit pas de fortifier de son autorité et de celle du gouvernement ce qu’il y avait de plus excessif dans ces projets de compromis, lorsqu’il adressa au peuple de Paris la proclamation suivante :


« Chers concitoyens,

« Je m’empresse de porter à votre connaissance que, d’accord avec les députés de la Seine et les maires élus de Paris, nous avons obtenu du gouvernement de l’assemblée nationale :

« 1° La reconnaissance complète de vos franchises municipales,

« 2° L’élection de tous les officiers de la garde nationale, y compris le général en chef. »


Ces concessions, qui ne furent ni confirmées, ni démenties, dépassaient les réclamations légitimes des partis libéraux. Elles effrayèrent beaucoup d’hommes d’ordre; les révolutionnaires n’y virent qu’un encouragement à redoubler d’audace. L’empressement