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avec lequel les autorités officielles ou officieuses de Paris proposaient des compromis aussi peu acceptables, la résignation des pouvoirs de Versailles à les subir ou du moins à les discuter, s’expliquent trop bien aujourd’hui. La guerre entre habitans d’une même ville est chose assez affreuse pour que des hommes moins rapprochés par leurs opinions de ceux qu’il fallait combattre que les maires radicaux et les députés de l’extrême gauche soient excusables d’avoir tout tenté pour la prévenir.

Le seul compromis légitime eût été de prendre au mot le comité central en permettant sous toutes réserves les élections dont il s’était engagé à respecter l’arrêt, quel qu’il lût. Il ne s’agissait pas pour le pouvoir légal de prendre un engagement semblable; il ne se fût pas obligé à reconnaître un conseil municipal irrégulièrement élu : il n’eût fait que laisser à la population honnête de Paris un moyen pratique de manifester ses sentimens. Ce compromis fut la dernière et tardive ressource des maires et des députés la veille même des élections, lorsqu’ils eurent perdu tout espoir d’en obtenir l’ajournement. Le comité central ne pouvait faire procéder au vote qu’après avoir brisé ou vu céder toute résistance. La lutte devenait imminente : les conciliateurs ne voulurent pas en assumer la responsabilité; ils consentirent à une nouvelle capitulation de Paris, les uns tacitement, en s’abstenant de tout acte, les autres expressément, en signant un pacte par lequel ils acceptaient les élections pour le lendemain, sans autre garantie que la réintégration des municipalités légales dans les mairies dont elles avaient été dépossédées. Cette clause, même était un leurre; rien ne fut tenté pour en assurer l’exécution. L’usurpation était consommée du consentement de ceux qui avaient été les derniers représentans du droit. L’amiral Saisset se retira sans mot dire; les gardes nationaux fidèles furent renvoyés dans leurs foyers; la population crut à une paix sincère, légalement conclue. L’illusion dura peu, même dans les masses : les hommes vraiment éclairés ne l’avaient jamais partagée; dès la première annonce de ce déplorable arrangement, ils sentirent que tout était perdu.

Les signataires de cet arrangement demandèrent à l’assemblée d’approuver leur conduite; elle s’y refusa sans leur infliger d’autre part une censure expresse. Elle garda la juste mesure. Ils avaient empiété sur sa souveraineté, et ils n’avaient pas même la justification d’un service rendu à sa cause. Les élections ne pouvaient être bonnes que si tous les bons citoyens y prenaient part avec entente. Ordonnées par un pouvoir usurpateur, consenties par une autorité légale qui outre-passait son mandat, elles ne pouvaient que répugner à tous ceux qui avaient le souci du droit. Ceux qui crurent pouvoir sortir de la légalité stricte pour éviter de plus grands malheurs, ou