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et au besoin un asile souterrain pour célébrer les saints mystères. Ils n’accordaient à la protection de leurs personnes ou plutôt des devoirs attachés à leurs personnes que le port, dans les rues, du costume séculier et la liberté de laisser croître leur barbe. Incarcérés, ils attendaient patiemment la mort que tant d’entre eux n’ont pas évitée. Les plus jeunes avaient soif du martyre. Il y eut à La Roquette, lorsque le massacre des otages avait déjà commencé, un combat de générosité entre un missionnaire de vingt ans et un père de famille, le premier pressant le second de le laisser mourir à sa place en répondant à l’appel de son nom, si celui-ci venait le premier. L’église catholique a eu seule l’occasion de montrer cet héroïsme, parce que seule elle est assez puissante pour porter ombrage aux ennemis de toute foi; mais, si les cultes dissidens n’ont pas partagé ses persécutions, ils se sont honorés en prenant publiquement sa défense.

Il ne faut pas oublier dans cette énumération des titres de gloire de la population honnête de Paris le rôle de la presse. Sauf de honteuses exceptions, ce rôle avait été courageux et digne au lendemain du 18 mars. L’accord qui s’était établi alors entre des journaux de toutes nuances se maintint quant à l’opposition au pouvoir insurrectionnel: mais il y eut, au point de vue du droit pur et des convenances de la situation, de nombreuses et regrettables défaillances. Un certain nombre de journaux, surtout dans la presse républicaine, ne surent pas s’abstenir, non-seulement de critiques inopportunes à l’égard des pouvoirs légaux qui étaient le dernier boulevard de la société menacée, mais de comparaisons imprudentes entre leurs actes et ceux de la commune, qui semblait mise sur la même ligne. Une telle attitude irritait d’autant plus les amis de la légalité, qu’elle était imitée et souvent exagérée par les organes des mêmes opinions en province. Les journalistes de Paris qui commirent cette faute avaient toutefois une excuse qui manquait à leurs confrères des départemens, et dont ne leur tiennent pas assez compte ceux qui n’étaient pas avec eux sur la brèche. Ils jouaient leur liberté et leur vie en combattant la commune dans son antre, et ils affrontaient d’assez grands périls, ils rendaient en même temps d’assez grands services pour se croire le droit de dire la vérité ou ce qui leur semblait la vérité à d’autres pouvoirs que la commune. C’était une erreur, mais il ne faut pas la leur reprocher au point d’être injuste ou ingrat envers leur courage. La faute même qu’ils commettaient n’était pas sans avantages. Les attaques de la presse républicaine étaient particulièrement désagréables aux hommes de l’Hôtel de Ville et à leurs adhérens. Leur tactique était de faire croire qu’ils n’avaient d’adversaires que dans les partis monarchi-