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dent qu’indirectement de l’état ont trouvé dans leurs membres ou dans leurs employés le même zèle pour leurs intérêts. La Banque de France n’a pas échappé à l’intrusion d’un délégué de la commune ; elle a eu du moins le double bonheur de tomber entre les mains du plus sage de cette bande, M. Beslay, et d’avoir à sa tête, dans son sous-gouverneur, M. le marquis de Plœuc, un homme intelligent et ferme. En faisant la part du feu, elle a préservé son encaisse et son crédit, et, ce qui n’était pas moins précieux pour elle, elle est restée sous la garde exclusive du bataillon qu’elle avait formé avec ses employés pendant le premier siège. Dès que l’entrée des troupes fut connue, ce bataillon se tint en permanence à la Banque, prêt à repousser toute attaque des fédérés, toute tentative d’occupation, de pillage ou d’incendie. Il y avait là des pères de famille dont les femmes, les enfans, les plus importans intérêts étaient, sur d’autres points de Paris, sans leur protection, exposés à tous les dangers. Ils n’eurent pas un instant de défaillance dans ces trois jours de mortelles angoisses, et ils eurent la satisfaction de remettre intact à la garde de l’armée française le grand établissement financier de France.

Le corps médical et ses auxiliaires bénévoles ou salariés ont déployé un égal courage pour la défense d’intérêts d’un ordre plus élevé. Les hôpitaux et les ambulances devaient, comme tout le reste, subir l’invasion de la commune. Elle n’a pas eu plus de respect pour la société toute privée de secours aux blessés que pour les dépendances de l’assistance publique. Partout où elle a mis la main, elle a porté la désorganisation : elle ne découragea point les hommes dévoués dont elle troublait les services; ils lui cédèrent dans tout ce qui n’était que leurs droits, ils surent défendre contre elle tout ce qui intéressait directement leurs devoirs. Ils veillèrent jusqu’au bout sur leurs malades, et en les sauvant ils sauvèrent, avec les édifices qui les abritaient, les bâtimens voisins. Paris leur doit la conservation du Luxembourg et, bienfait plus inestimable, celle de Notre-Dame.

Il est superflu de rappeler le courage du clergé et des corporations religieuses dans ces lugubres journées. Des épreuves de ce genre sont toujours glorieuses pour l’église. Dans les temps calmes, elle ne se fait que trop d’ennemis par sa tendance à sortir de son domaine; aux époques de persécution, la sagesse avec laquelle elle s’y renferme, le dévoûment sans bornes qu’elle met à le défendre, désarment les préventions les plus obstinées. Sous la commune, elle n’a voulu rien sauver que son trésor spirituel. Les congrégations faisaient elles-mêmes aux envahisseurs les honneurs de leurs maisons qu’ils venaient piller. Les prêtres ne réclamaient, dans les églises occupées et le plus souvent profanées, qu’un coin,