Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rangés parmi les protozoaires, c’est-à-dire à l’extrême base de l’animalité. Il suffira de rappeler ici qu’ils ne possèdent ni ouverture extérieure, ni aucun viscère, qu’ils sont formés d’une masse homogène ayant la consistance d’une gelée semi-fluide et que l’on nomme sarcode. Leur corps, réduit aux élémens les plus simples, ne possède d’autre organe que des prolongemens ciliaires ou pseudopodes, qui servent à entretenir le mouvement et la vie. Ces filamens, transparens comme du verre, passent par les ouvertures dont est criblé le tégument calcaire ou siliceux que ces animaux sécrètent, soit à la façon des coquilles de mollusques, soit par l’agglutination des particules sableuses au moyen d’une humeur visqueuse. La diversité, l’abondance, la petitesse de ces animaux, sont extrêmes, et leurs dépouilles s’accumulent partout au fond des mers. Leur polymorphie est si grande qu’il est impossible chez eux d’arrêter les limites des genres et des espèces, si toutefois il en existe ; il semblerait que dans ce groupe les caractères, devenus plus mobiles, perdent leur importance relative et opèrent des transitions tellement multiples qu’elles échappent à l’analyse. Le rôle des foraminifères, si saillant dans l’ordre actuel, où leurs dépouilles existent par myriades dans le sable des mers, a été plus considérable encore dans le passé du globe. Des formations entières, comme celles du coral-rag, du grès vert et surtout de la craie, dont la blancheur tranche de si loin au flanc déchiré des buttes de la Champagne, sont dues aux accumulations de ces animaux. Presque toujours invisibles à l’œil nu, les coquilles des foraminifères sont d’une finesse et d’une transparence excessives. Les plus petites échappent à la destruction par leur faible dimension ; placées sur le porte-objet du microscope, elles étalent leurs formes élégantes, indéfiniment variées, et les ciselures de leur surface. Quelquefois le même type se répète à satiété, de façon que la vase entière ne soit qu’un assemblage d’individus pareils amoncelés sans terme. D’autres coquilles, relativement plus grandes, mesurent 2 à 3 millimètres de longueur ; les géans du groupe excèdent parfois un diamètre de 2 à 4 centimètres ; la plupart sont fossiles, comme les goniolines et les nummulites. Celles-ci sont tellement répandues qu’elles ont donné leur nom à une formation dont la puissance est énorme, puisque à partir des Pyrénées et des Alpes on la suit jusqu’en Orient et en Égypte, pour la retrouver plus loin dans le fond de l’Asie, en Chine et sur les contre-forts de l’Himalaya. Les trois principales pyramides ont été taillées dans une roche pétrie de nummulites. À l’époque où ces foraminifères se sont ainsi multipliés dans une proportion infinie, un océan s’étendait sur la plus grande partie de l’ancien continent et leur ouvrait son large sein ; c’était