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tement dans l’eau absorbée par eux, d’autre part à décomposer l’acide carbonique pour en fixer le carbone et en rejeter l’oxygène. Cette dernière opération n’a lieu que sous l’influence de la lumière; elle s’arrête quand celle-ci est absente, elle se ralentit à mesure que celle-ci s’affaiblit; elle est de plus nécessaire pour produire la chlorophylle, c’est-à-dire la matière généralement verte, plus rarement rouge, qui colore les plantes. La cellulose et le glycose, les matières sucrées et amylacées, huileuses, résineuses, gommeuses et albuminoïdes, les parties succulentes des végétaux, les tissus, sécrétions et tégumens de toute sorte, sont le résultat des opérations que nous venons d’indiquer, et ces substances constituent une nourriture toute préparée[1], destinée à l’alimentation de l’autre règne. Les animaux en effet ne puisent pas dans le régime inorganique les substances dont ils se nourrissent; leurs alimens sont empruntés soit au règne végétal, soit à leur propre règne. Les végétaux ne se mangent pas, les animaux au contraire se dévorent entre eux lorsque leur régime n’est pas exclusivement végétal. Dans les deux cas, la vie animale ne s’entretient qu’aux dépens mêmes de la vie, loi fatale et universelle, bien qu’elle demeure incompréhensible.

Les animaux respirent comme les plantes, mais, au lieu de fixer le carbone, ils le brûlent en s’emparant de l’oxygène de l’air, et ils exhalent l’acide carbonique et l’azote. L’opération est donc inverse de celle qu’accomplissent les végétaux, et ceux-ci fournissent aux animaux non-seulement des élémens nutritifs, mais encore de l’oxygène. Cette harmonieuse combinaison cesse au fond de la mer; sans plantes, plus de phytophages; l’alimentation devient forcément animale. Bien que la plupart des êtres des basses régions soient dans l’impossibilité de poursuivre une proie vivante, la multitude des protozoaires procure aux grandes espèces un aliment assuré. Le flot marin fourmille tellement d’organismes inférieurs qu’en baignant les animaux d’un rang un peu plus élevé, il leur dispense une nourriture abondante, puisée à une source vraiment intarissable.

La question se réduit en définitive à savoir comment se nourrit le protozoaire dès qu’il paraît établi que les végétaux d’un degré correspondant ou protophytes n’habitent pas près de lui. On s’est demandé d’abord s’il ne pouvait se faire que le protozoaire eût la propriété d’élaborer directement la matière brute pour la transformer en albumine, de même qu’il exsude le calcaire et la silice dont

  1. Ce sont des composés, les uns ternaires ou à trois élémens (carbone, oxygène, hydrogène, les autres quaternaires, ou plus compliqués encore, l’azote se joignant aux premiers élémens, soit seul, soit accompagné de soufre et de phosphore. Ils diffèrent beaucoup plus par les propriétés physiques que par la proportion atomique de leurs élémens, qui varie assez peu chez les composés d’une même classe.