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il en a fait la clé de voûte de son tableau, comme il avait fait pour la chevelure noire de sa Salomé, et il est parti de là pour donner toutes les ressources d’une palette étincelante, pour associer dans une brillante vision toutes les richesses colorantes du kaléidoscope. Le principe est faux, mais l’artiste a déployé une puissance vraiment extraordinaire. Sa merveilleuse habileté impose l’admiration, et, quand la raison est choquée, l’œil demeure fasciné sous les séductions de la couleur.

Le tableau de Regnault n’est pas le seul dans l’exposition française qui soit totalement inconnu dans notre pays. Un artiste qui ne fait à nos salons que de bien rares apparitions, M. Jules Dupré, est représenté à Londres par une vingtaine de tableaux dont plusieurs sont de premier ordre. Mlle Rosa Bonheur, qui depuis longtemps ne travaille plus que pour l’Angleterre, apparaît aussi avec plusieurs ouvrages inédits. L’exposition de peinture, dans son ensemble, montre l’école française incomplètement représentée, puisque beaucoup d’artistes éminens ont manqué à l’appel, mais suffisamment représentée pour nous assurer le premier rang. Les statues donnent à notre supériorité un caractère encore plus décisif. Nous ne pouvons cependant entrer dans la description des œuvres déjà connues de MM. Carpeaux, Moreau, Delaplanche, Frison, Cordier, Pollet, Fremiet, etc. Sous le rapport de la sculpture, la lutte avec les autres pays est vraiment par trop inégale : l’Angleterre et l’Allemagne n’ont rien, l’Italie a d’habiles praticiens, la France seule a des sculpteurs.


III.

L’art proprement dit ne figure pas seul à l’exposition internationale de Londres : il est escorté de ces charmantes industries qui dérivent des mêmes principes et lui empruntent souvent ses modèles. La céramique surtout est représentée par des envois nombreux. L’annexe française renferme en ce genre des produits très remarquables, et parmi nos exposans, M. Deck, selon son habitude, présente la part la plus fournie et la plus intéressante. Les sujets de genre, les chasses, les vases et les plats dont le dessin s’inspire du style arabe, chinois, japonais, persan, forment un ensemble aussi éblouissant que varié pour la richesse des teintes et le charme des ornemens décoratifs. L’effort sérieux et soutenu de nos céramistes a fait faire depuis quelques années d’immenses progrès à cette intéressante industrie; mais les Anglais, qui nous suivent pas à pas, sont arrivés à surprendre les procédés de nos fabricans, quel-