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quefois même à égaler leurs produits. Ils sont d’ailleurs peu scrupuleux, et nous empruntent volontiers nos plus jolis motifs de décoration : nous en avons reconnu un bon nombre où ils n’ont eu pour ainsi dire que la peine de copier. Au surplus les fabriques anglaises recherchent beaucoup les Français, et c’est en grande partie à nos artistes et à nos ouvriers fixés en Angleterre qu’elles doivent les progrès qu’on leur a vu accomplir dans ces derniers temps. C’est ainsi qu’en examinant les produits de la fameuse maison Minton on est frappé de l’élégance des figures qui décorent quelques vases, et de la similitude qu’elles présentent par le style avec celles que fait habituellement M. Solon Milles ; mais nous avons appris bientôt que cet artiste avait récemment quitté la manufacture de Sèvres pour venir en Angleterre, où il a mis son talent au service de M. Minton.

La fabrique de Wedgwood, qui est aujourd’hui une des plus importantes de l’Angleterre, continue à suivre la voie qui a fait autrefois son succès. La fameuse pièce connue sous le nom de vase de Portland, qui est une des richesses du British Muséum, et qui parait remonter à la belle époque romaine, a servi de type à ce genre de décor qui consiste en petites figures blanches se détachant en relief sur un vase d’un ton opaque et uniforme, généralement noir ou bleu. Ces sujets classiques, presque toujours empruntés aux camées, représentent des divinités, des muses, des amours encadrés dans des guirlandes, accompagnés de masques, de têtes de bélier. L’élégance des figures et la délicatesse du travail leur prêtent un grand charme quand on les examine de près; néanmoins l’ensemble est souvent un peu froid, et la forme générale des vases n’est pas toujours heureuse. On voudrait moins de monotonie dans la conception, et il semble que le même talent pourrait être dépensé sans qu’il soit nécessaire d’adopter un cliché uniforme.

La maison Wedgwood fait aussi des vases imités de la poterie grecque ou étrusque : on a employé pour cela quelques-unes des compositions de Flaxman, dont le style archaïque est très bien approprié à ce genre de représentations; mais l’ornementation, qui est empruntée à des vases anciens, est exécutée avec une symétrie et une régularité si absolues qu’elle semble faite à la mécanique. C’est ce qui empêche l’illusion d’être complète, car, si la symétrie des ornemens est un des principes de l’art grec, les ouvriers mettaient toujours dans l’exécution une certaine liberté qui éloignait la froideur.

Les vases de style classique ne sont pas les seuls qui sortent de cette fabrique, et un artiste français, M. Lessore, qui travaille pour la maison Wedgwood, s’est créé un genre absolument nouveau qui