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de tous les temps a produit de plus célèbre, et on peut ainsi comparer les chefs-d’œuvre de l’art contemporain avec ceux que nous a légués le passé. Félicitons d’abord M. Barbedienne d’avoir fait exécuter en grand cette magnifique statue d’Auguste qui a été trouvée récemment à Rome, et qui n’est connue en France que par les photographies. Le bronze est admirablement venu, et nous serions heureux de le voir figurer dans nos collections publiques. Nous ne nous arrêterons pas sur les reproductions de statues connues, telles que la Baigneuse de Falconnet, le Napoléon de M. Vêla, le jeune Chanteur de M. Dubois, et sur plusieurs pièces dans le genre Louis XVI, qui sont d’un goût charmant.

Un petit meuble de style persan attire plus particulièrement notre attention. On sait l’attrait que l’Orient exerce depuis quelques années sur nos ornemanistes. L’art décoratif de l’Asie est, pour tous ceux qui s’occupent des industries de luxe, l’objet d’incessantes études. Il pourrait y avoir là un danger, si nos dessinateurs abdiquaient leur personnalité pour se livrer à une simple imitation de créations étrangères à leur génie propre; mais ce n’est nullement une copie servile. Le cabinet persan exposé par M. Barbedienne est une œuvre vraiment française et contemporaine ; seulement l’artiste s’est laissé guider par les principes des Orientaux, qui dans l’art décoratif peuvent être considérés comme des maîtres. Des fleurs identiques, courant sur des fonds différens et s’enlaçant les unes dans les autres, produisent les contrastes les plus heureux entre la symétrie des formes répétées et la variété des teintes multiples.

La Perse, l’Inde, la Chine, le Japon, sont des mines inépuisables pour notre industrie, et on se rappelle les heureuses applications que M. Christofle a faites du style japonais dans plusieurs pièces d’orfèvrerie. La place réservée dans l’annexe française à MM. Christofle, Froment-Meurice et Veyrat montre assez l’importance qu’ils attachent à leur exposition. Par malheur, les derniers événemens ont apporté du retard dans leurs envois, qui n’ont pu figurer au début de l’exposition; mais ils n’ont pas à craindre la concurrence ou la rivalité des exposans étrangers. L’Allemagne, dont l’infériorité notoire avait été constatée aux dernières expositions, a jugé plus prudent de ne pas soumettre ses œuvres à une nouvelle appréciation du public, et l’Angleterre, qui n’a envoyé qu’un petit nombre de pièces, aurait aussi bien fait de s’abstenir. L’orfèvrerie anglaise a un défaut capital, c’est de n’être pas de l’orfèvrerie. De petits jockeys avec leurs chevaux, des sauvages avec des plumes sur la tête, des Saxons ou des Normands avec leurs carquois ou leurs lances, peuvent, selon la manière dont ils sont traités, former des