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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1871.

Maintenant que la guerre étrangère est finie et que la guerre civile est apaisée, maintenant que ce grand et noble blessé qui s’appelle la France se relève du double champ de bataille où Ta traîné un instant son mauvais destin, il n’y a plus de temps à perdre, il n’y a plus qu’une politique possible, salutaire, efficace, la politique du recueillement et de la réparation par le travail. Jusqu’ici, la France ne s’appartenait point en quelque sorte à elle-même, elle avait encore le fer dans sa blessure. La paix définitive avec l’Allemagne ne date que du mois dernier, la défaite de l’insurrection parisienne ne date que de quelques jours. Tant qu’on n’en avait pas fini, soit par les négociations, soit par les armes, avec l’ennemi extérieur et l’ennemi intérieur, si bien d’accord pour tirer parti de nos désastres, l’intérêt unique et tristement émouvant était là. Il fallait avant tout arracher le pays à l’odieuse et sanglante fatalité qui semblait le menacer jusque dans son existence. Aujourd’hui cette fatalité est heureusement vaincue, et il n’y a pas même le prétexte de cette poignante incertitude qui tenait tout en suspens.

Encore une fois le génie de la France se dégage des mortelles étreintes où l’on prétendait l’étouffer. La place est libre pour les hommes de bonne volonté. Diplomates et soldats ont fait leur œuvre, maintenant c’est l’œuvre pratique et patiente qui commence, la régénération par le travail moral comme par le travail matériel. Ce n’est plus le moment des vaines paroles, des fantaisies d’opposition ou de dissidence ; c’est le moment de l’action, et d’une action de tous les jours, de toutes les heures. Il faut donc se mettre sans plus tarder à ce travail nécessaire et ne point oublier que tout se tient dans cette résurrection du pays, devenue notre mot d’ordre, que le prodigieux succès de l’emprunt d’aujourd’hui ne serait qu’un bonheur éphémère, si les élections partielles qui vont se faire demain pour compléter l’assemblée devaient être une