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ni pour les semences. À travers ces misères trop réelles, ne sent-on pas cependant une activité qui ne demande qu’à renaître et à se développer avec une nouvelle énergie ? La facilité avec laquelle l’emprunt de 2 milliards vient d’être souscrit en quelques heures sans sortir de France, cette facilité ne prouve-t-elle pas ce qu’il y a encore dans notre pays d’intarissable richesse ? Oui, sans doute, il y a en France tous les élémens d’une rénovation nationale, élémens politiques, moraux, matériels, militaires : il y a de plus la bonne volonté, stimulée par un instinct d’orgueil patriotique ; mais voilà la vérité : ce qui manque, c’est la cohésion, la direction, c’est la force organique qui seule peut féconder ces élémens pour en faire sortir une grandeur nouvelle, et c’est ici précisément que commence le rôle de tous ceux qui sont les guides et les éclaireurs du pays, qui ont une action initiatrice, assemblée, gouvernement, organes indépendans de l’opinion, les uns et les autres soutenus par un public intéressé lui-même au succès de cette entreprise commune de reconstitution nationale.

L’assemblée que nous avons aujourd’hui et qui sera complétée demain par cent vingt élections, cette assemblée, nous le savons bien, a le sentiment de la situation et des devoirs que lui créent les circonstances. D’abord elle ne doute pas d’elle-même, et c’est ce qui fait certainement une partie de sa force ; mais ce n’est pas là sa seule qualité. La vérité est que, dans les pénibles épreuves qu’elle a été obligée de traverser et de surmonter, l’assemblée nationale a montré jusqu’ici autant de patriotisme que de modération, et, à vrai dire, elle est même plus libérale que beaucoup de ceux qui lui font la guerre pour les inclinations monarchiques qu’ils lui supposent. Ce libéralisme, elle vient de le montrer par la faveur avec laquelle elle a tout récemment accueilli à une première lecture, et malgré une certaine hésitation du ministre de l’intérieur, un projet qui ne tend à rien de moins qu’à constituer dans chaque département, à côté du préfet, une délégation élective et permanente du conseil-général. Dès qu’il s’agit de décentralisation, l’assemblée n’hésite pas ; la décentralisation est son idée fixe, ou, si l’on aime mieux, son idée préférée, et ce qu’il faut bien ajouter aussi pour son honneur, c’est qu’elle n’hésite pas davantage toutes les fois qu’elle est placée en présence d’un intérêt véritablement patriotique. Assurément cette assemblée de Versailles a fait déjà bien des choses utiles, et elle en fera encore, nous n’en doutons pas ; elle poursuit dans l’ombre de ses commissions des travaux qui touchent à tous les points de la législation administrative ; elle a commencé notamment sur nos désastres militaires, sur les marchés passés pendant la guerre, sur l’insurrection de Paris, un ensemble d’enquêtes qui seront d’autant plus fructueuses que l’esprit de parti s’y montrera moins, qui jetteront sans doute sur