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de la délégation de Tours, consacrées à l’organisation de l’autre, le général des Pallières ajouta : « D’ailleurs vous voyez les Prussiens partout, et vous croyez à ce qu’on dit de leurs forces. Détrompez-vous, nous n’avons devant nous qu’un rideau de troupes sans consistance : seulement ces troupes sont habilement manœuvrées, et elles peuvent vous faire illusion; mais elles ne le font, elles ne paraissent redoutables qu’à ceux qui ne connaissent pas comme moi la tactique prussienne. » Et, pour être mieux compris par un exemple, il dit encore : « On parle du grand nombre de canons qui partout accompagnent l’armée prussienne, — on est disposé à les voir partout; — eh bien ! voici ce qui se passait à Dijon : chaque jour, par une porte sortaient des batteries aux attelages reposés, aux servans d’une tenue irréprochable, aux pièces reluisantes. A une lieue de la ville, ces attelages sont couverts de boue, ces pièces brunies, ces uniformes tachés à plaisir; ces attelages rentrent alors par une autre porte, et le tour est joué, et l’on croit à la formidable artillerie prussienne ! » Comme le commandant de la 1re brigade lui fit observer qu’il n’y avait pas d’illusion de ce genre à se faire, et que la puissance de la nombreuse artillerie ennemie avait été très bien constatée à l’affaire de Beaune-la-Rolande, le général, haussant les épaules, quitta brusquement la salle du conseil sur ces paroles du même officier : « puissiez-vous ne pas faire bientôt l’expérience de la réalité ! »

Le lendemain ou le surlendemain peut-être avait lieu le combat de Chilleurs-aux-Bois, combat d’artillerie surtout, dont les détonations répétées nous arrivaient à travers la forêt, semblables à un feu roulant de mousqueterie. Le 20e corps à ce bruit se tint prêt à partir au premier appel, mais cet appel arriva trop tard. A onze heures et demie, la canonnade s’éteignait sans qu’on sût quel était le résultat de cet engagement si court, et dont nous ne pouvions soupçonner l’importance. Hélas! c’était une véritable défaite, et la plus funeste dans ses conséquences qui pût être infligée à l’armée de la Loire.


IV.

Il semble qu’on peut aujourd’hui, par les dispositions mêmes du général en chef ennemi, juger de la portée réelle des combats qui marquent la fin du mois de novembre, et que, sur la foi de documens officiels français, on a crus de simples engagemens préliminaires. Dès le lendemain même de la journée de Beaune-la-Rolande, le prince Frédéric-Charles, masquant ses desseins par une vigoureuse attaque sur Saint-Loup-des-Vignes, dégarnissait sa gauche