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et ne laissait plus en face de notre aile droite qu’un corps d’observation de 8,000 hommes. Toutes ses forces actives étaient concentrées à Pithiviers, prêtes à tomber en masse sur le 15e corps, et lui porter un coup décisif. Pour l’état-major général ennemi, si bien informé par ses nombreux espions, et guidé d’ailleurs par une longue expérience pratique de la guerre, les affaires successives de Ladon, Maizières, Juranville et Beaune-la-Rolande surtout avaient paralysé, pour un moment du moins, l’aile droite de l’armée française. La vigueur que nous avions montrée, à laquelle nos ennemis ont rendu justice[1], leur était précisément un gage certain d’un instant de détente, et ils croyaient avec raison que quelques jours de répit leur étaient assurés de ce côté. On sait comment ils en profitèrent. Les combats victorieux du 2 et du 3 décembre, notamment celui de Chilleurs-aux-Bois, leur ouvrirent la route ou plutôt les routes d’Orléans. D’autres mettront en pleine lumière les incidens et les causes diverses qui ont transformé la défaite du 15e corps en désastre irréparable. Résolu à ne parler que de ce que nous avons vu, nous nous bornerons, malgré la sûreté de nos informations, à dire qu’il en fut ainsi, surtout parce que l’esprit, le moral des soldats était au 15e corps, comme dans l’armée tout entière, celui que nous avons dit animer l’ancienne armée des Vosges. Peut-être même, entre tous ces corps, dont nous avons pu étudier les soldats réunis à Bourges après la défaite du 15e corps à Salbris, c’est encore nos propres troupes, celles du 20e corps, que nous regarderions comme ayant été les plus solides et animées du meilleur esprit.

Nous avons déjà dit que les résultats du combat de Chilleurs-aux-Bois ne furent connus à l’aile droite que lorsqu’il était trop tard pour en atténuer les fatales conséquences. Un simple coup d’œil jeté sur la carte suffit pour montrer que, même en partant aux premiers bruits du canon, la distance qui nous séparait du 15e corps était trop grande pour que nous pussions arriver à temps sur le champ de bataille. Nous répéterons qu’à onze heures et demie la canonnade avait cessé entièrement. Nos généraux n’avaient dès lors qu’à attendre. On a écrit, rendant le général Bourbaki responsable d’une inaction qu’il est de toute injustice de lui imputer, puisqu’à cette époque il n’exerçait pas le commandement du 18e et du 20e corps, « que peut-être ces corps dans les mains d’un stratégiste habile eussent pu être jetés sur les communications de l’ennemi, et l’inquiéter sérieusement au point de le forcer à rétrograder. » Il n’en est rien. Ce mouvement fut exécuté; mais, bien que le 20e corps fût bivouaqué, non à Bellegarde, comme on le sup-

  1. Voyez les numéros du Times à cette époque et les dépêches prussiennes.