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séjour à Versailles donne droit à une indemnité quotidienne, et que par des raisons d’économie le gouvernement a voulu restreindre autant que possible le nombre de ceux qui recevraient ce supplément. Nous sommes bien loin de penser que le tiers des employés suffira pour expédier les affaires lorsque la vie administrative aura repris son développement normal. L’insuffisance du nombre des employés a même quelquefois gêné l’expédition des affaires pendant que les services administratifs étaient installés à Versailles; mais, si les bureaux des ministères ne peuvent pas définitivement être réduits à la mesure qu’exceptionnellement les circonstances avaient fait établir, les ministres ont du moins eu l’occasion d’étudier sur le vif les besoins réels des services placés sous leurs ordres et pu distinguer ce qui est indispensable de ce qui est superflu.

L’extension de la gratuité à certaines fonctions aujourd’hui rémunérées pourrait être une deuxième source d’économies. Cette mesure est-elle, comme on l’a souvent affirmé, inconciliable avec l’esprit démocratique? Si cette proposition était vraie, il faudrait supprimer la gratuité dans les cas où elle existe, et notamment donner des traitemens aux 37,000 maires et aux 50,000 adjoints qui administrent nos communes. Pourquoi ne donnerait-on pas aussi des jetons de présence aux membres des conseils-généraux, d’arrondissement et municipaux? L’ouvrier qui vit de son salaire ne pourrait pas, sans se condamner à la gêne, accepter une position de fonctionnaire sans traitement. Aussi se garde-t-il de la rechercher, et il est assez raisonnable pour ne point crier à l’inégalité. La loi en effet ne doit garantir que l’égalité de droit, c’est-à-dire l’aptitude légale à remplir les emplois pour tous les citoyens, à quelque catégorie sociale que le candidat appartienne. L’égalité des moyens, des ressources, de la fortune pour se soutenir dans la recherche des fonctions publiques n’est due à personne. Ces conditions appartiennent à l’égalité de fait, que ni le législateur ni aucun pouvoir humain ne pourrait maintenir dans la société. Si une fonction est gratuite ou mal rémunérée, c’est à chacun de nous, qu’il soit ouvrier ou bourgeois, à mesurer sa fortune et à calculer s’il peut la remplir. Jusqu’à présent, l’esprit démocratique ne s’est pas soulevé contre la gratuité des fonctions de maire, d’adjoint, de conseiller-général ou municipal; pourquoi condamnerait-on l’extension de la gratuité? Les traitemens attachés aux places qui pourraient être gratuites sont défendus surtout par des intéressés auxquels l’esprit démocratique importe peu, et qui, pour soutenir les abus dont ils profitent, se servent d’argumens d’une élévation apparente.

On parle beaucoup de décentralisation et de self-government, mais peut-être ne remarque-t-on pas assez que ces innovations ne peuvent point prospérer dans un pays, si le goût des fonctions gra-