Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que que le droit de détail est de 15 pour 100 en principal ou 18 pour 100 avec les décimes (ad valorem), tandis que le maximum du droit de circulation, ou 2 francs 40 centimes par hectolitre, ne dépassera pas la proportion de 5 pour 100 de la valeur. Une aussi grande différence serait injustifiable, si l’énormité du droit de détail n’avait pour but, peut-être même pour effet, en grevant la consommation du cabaret, de retenir l’ouvrier dans sa famille. Cette pensée humaine ne sera réalisée que le jour où l’approvisionnement de l’ouvrier pour la consommation domestique ne sera pas chargé des mêmes droits que la consommation au cabaret. L’achat par 25 litres au moins (c’est la quantité qui est nécessaire pour la vente en gros) est au-dessus des ressources normales des petits ménages, et l’inégalité devant l’impôt entre la classe aisée et la classe pauvre sera choquante tant qu’on n’aura pas trouvé le moyen, par l’organisation des débits à emporter, de libérer la consommation domestique. Les débits à emporter sont une institution connue en Angleterre, et il y a déjà longtemps qu’on a proposé d’imiter ce qui est pratiqué chez nos voisins. Cette amélioration a notamment été signalée en 1850, lorsque l’assemblée nationale fit procéder, sur l’impôt des boissons, à l’enquête qui donna lieu au remarquable rapport de M. Bocher. Malheureusement cette idée n’a pas été depuis même étudiée, et le droit de détail a continué de grever la vie de famille. aussi bien que les dépenses d’auberge. Peut-être est-ce une des causes, — nous ne croyons pas que ce soit la seule, — qui ont détruit le charme du foyer et poussé les ouvriers vers la fréquentation des cabarets. Il faut que notre loi soit changée en ce point, et si, malgré tout, les mauvaises habitudes l’emportent, que la responsabilité retombe sur le vice. Nous demandons avec la plus vive insistance que la plus petite part ne soit pas imputable aux défauts du régime fiscal.

Le projet frappe sans ménagement les absinthes, eaux-de-vie et alcools, qui, à l’avenir, paieraient 125 francs de droit de consommation par hectolitre, au lieu de 75 francs qu’ils supportaient depuis 1852. L’énormité du droit n’entravera-t-elle pas la consommation de façon à nuire soit au commerce, soit au trésor? Cette éventualité ne serait pas à craindre d’après l’exposé des motifs, car la valeur vénale de l’eau-de-vie a souvent varié de 60 à 200 fr. par hectolitre, sans que la hausse ait réduit la consommation. Or une surtaxe de 50 francs est bien inférieure à l’écart entre ces deux extrêmes, et il n’est pas à craindre d’après l’exposé des motifs, qu’elle ait pour effet d’arrêter la vente des alcools. C’est possible, et nous l’espérons; mais il ne faudrait pas pousser trop loin cette manière de raisonner. Si la consommation s’est soumise sans