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ment. Aussi en faut-il citer ici le texte, tant ces dispositions méritent que la portée en soit déterminée avec soin.

« Article 20. Des drawbacks pourront être accordés à la sortie des produits fabriqués avec les matières atteintes par ces droits. Le taux en est fixé par un arrêté du chef du pouvoir exécutif, rendu après avis du comité consultatif des arts et manufactures.

« Article 21. Les produits étrangers similaires de ceux qui profiteront des drawbacks seront frappés de surtaxes correspondantes à ces drawbacks, et déterminées aussi par des arrêtés du chef du pouvoir exécutif. »

Autant vaudrait dire que le commerce international de notre pays ne sera plus régi par la loi, mais par des arrêtés qui supprimeront ou établiront les droits, sans autre formalité qu’un avis du conseil des arts et manufactures. Lorsque le commerce a plus que jamais besoin de sécurité, la loi organiserait l’incertitude et découragerait les efforts persévérans, car avec un semblable régime toute longue entreprise serait impossible. A-t-on oublié que l’échelle mobile a succombé sous le poids des difficultés que l’instabilité des droits créait aux calculs des commerçans ? On pourrait le croire, puisqu’on nous propose d’étendre à l’ensemble des douanes les défauts qui ont ruiné la législation sur les céréales. Au point de vue politique, ces nouveautés seraient la négation du régime parlementaire, et, pour le commerce, ce serait l’alanguissement des affaires par l’appréhension des changemens trop brusques de tarifs.

Nous avons été surpris aussi de voir reparaître le système des drawbacks, que nous croyions définitivement abandonné et condamné par l’expérience. Il est démontré en effet, pour les industriels de toutes les catégories, que la restitution à la sortie des droits perçus sur les matières brutes donne lieu à d’insurmontables difficultés. Comment reconnaîtra-t-on la substance sous les mille transformations qu’elle subit ? Si c’est de la laine, retrouvera-t-on les quantités introduites dans des tissus mélangés de coton, de soie ou de vieilles laines provenant d’effilochages ? Saura-t-on déterminer la proportion de la teinture et tenir compte des degrés divers auxquels se fait la charge des couleurs ? Les mêmes difficultés se présenteront pour l’industrie de la soie, puisqu’elle est aussi mélangée avec des laines et des cotons. Plus que toute autre substance, la soie a la propriété d’absorber la teinture, si bien qu’à Saint-Étienne on emploie les couleurs à forte dose pour donner à des rubans d’un tissu très léger une consistance qui les fait ressembler à des rubans épais. D’un autre côté, la soie ouvrée sort sous des formes très variées, non-seulement en tissus purs ou mélangés, mais en objets difficiles à mesurer, tels