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que les boutons, les lacets, etc. On se résignerait peut-être à ces difficultés, si le régime proposé devait procurer au trésor des ressources importantes; mais, loin d’y gagner, le trésor est exposé à perdre. Les manufacturiers en effet peuvent habilement faire sortir en produits ouvrés des quantités de matières supérieures à celles qui étaient entrées à l’état brut. Ils n’ont, pour réaliser ces bénéfices sur la fortune publique, qu’à faire sortir des laines ou des soies produites à l’intérieur et des cotons introduits en fraude. Ainsi le trésor serait obligé de restituer plus qu’il n’aurait reçu. Ne vaudrait-il pas mieux, au point de vue financier, établir des droits purement fiscaux de 1 à 5 pour 100 que d’élever jusqu’à 20 pour 100 des taxes restituables à la sortie? L’administration des douanes percevrait moins, mais les recettes seraient acquises définitivement, et l’état ne serait pas exposé à perdre. Il est vrai que, d’après le projet de budget, le drawback donnerait lieu à la perception d’un droit correspondant sur les produits fabriqués similaires venant de l’étranger; le produit de ces taxes d’importation ne compenserait pas, tant s’en faut, la perte résultant de la restitution à la sortie. Nous importons peu les produits similaires à ceux que notre industrie fabrique pour l’exportation. Pour les soieries notamment, le droit d’entrée ne rapporterait presque rien, tandis que la restitution des droits à la sortie porterait sur des quantités considérables. Il en serait peut-être autrement pour les cotons parce que, depuis la cession de l’Alsace, notre industrie cotonnière fabrique plus pour la consommation intérieure que pour celle du dehors. Le drawback pour ces produits équivaudrait donc à peu près à un droit protecteur, et peut-être vaudrait-il mieux l’établir ouvertement et directement par la loi que de le créer comme conséquence de la restitution à la sortie ordonnée par arrêté ou décret. En somme, la partie du projet qui est relative aux douanes n’est que le rétablissement pur et simple du système protecteur enveloppé sous le nom d’une compensation au drawback.

Nous regrettons que le gouvernement ait soulevé la question du régime économique et ne se soit pas borné à des mesures d’un caractère purement fiscal. En présence de notre situation financière, nous devons tous avoir pour unique préoccupation de créer les ressources dont nous avons besoin, et le libre échange doit être relégué au second plan. Pourquoi ne renvoyons-nous pas la discussion de cette question si complexe et si difficile au moment où nous aurons le temps de lui donner les développemens qu’elle comporte? Si les questions constitutionnelles ont été réservées, il serait bon aussi de ne pas trancher, dans une discussion trop rapide, des problèmes qui suspendent et inquiètent des intérêts nombreux. Or le