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budget rectificatif de 1871 ne donnera lieu qu’à de courts débats, et si, malgré l’urgence, la délibération se prolonge, le trésor en ressentira une perte d’autant plus grande que la mise en recouvrement des nouvelles taxes aura été plus retardée. N’a-t-on pas souvent, — et avec raison selon nous, — reproché au gouvernement impérial d’avoir à huis clos, par un traité de commerce, sans discussion préalable, modifié le régime économique de la France, — d’avoir, sans entendre les intéressés, disposé d’intérêts considérables? Prenons garde de ne pas encourir le même reproche, et ne croyons pas être en règle avec les principes parce que nous accordons de courts instans à la discussion que nos prédécesseurs avaient eu le tort plus grave de supprimer. N’écourtons pas la délibération en la plaçant dans un ensemble qui demande un examen rapide.

La pratique du drawback sur les sucres raffinés a démontré que le trésor est exposé à perdre, et que la restitution des droits à la sortie peut constituer une véritable prime d’exportation. Comme le rendement officiel était fixé à 80 de sucre raffiné pour 100 de sucre brut, les raffineurs qui employaient des procédés pour tirer 85 et 86 pouvaient se faire restituer des sommes que jamais ils n’avaient versées. C’est pour éviter ce préjudice qu’une loi de 1866 substitua au drawback l’admission temporaire en franchise. Par ce changement, l’état était exposé à ne pas percevoir tout ce que lui attribuaient les tarifs, mais du moins il ne pouvait pas rendre plus qu’il n’avait reçu, et la prime, s’il y avait prime, se trouvait reportée de la consommation du dehors sur celle de l’intérieur. M. Pouyer-Quertier ne nie pas ces propositions, et son exposé des motifs en contient l’approbation. « En fait, dit-il, on avait greffé sur le drawback une véritable prime, c’est-à-dire qu’on avait calculé les allocations de manière à faire restituer par le trésor beaucoup plus qu’il n’avait reçu. » Aussi le ministre veut-il que le drawback soit rigoureusement limité au remboursement des taxes, ajoutant que, a dans son fonctionnement normal, il est inattaquable, car il n’est pas rationnel de demander l’impôt des douanes à une marchandise qui ne pénètre sur notre territoire que pour en ressortir après avoir alimenté le travail français. » Mais par quel moyen assurera-t-on l’égalité entre les perceptions et les restitutions? Nous n’en connaissons pas, et, si on en a découvert quelqu’un, c’est un secret que l’exposé des motifs ne nous a point révélé.

Après avoir confié au pouvoir exécutif le soin d’établir les drawbacks, le projet lui donne aussi le pouvoir de créer des surtaxes de pavillon. Alarmées par cette dangereuse faculté, plusieurs chambres de commerce des villes maritimes, notamment celle du Havre, ont fait observer que les surtaxes donneraient lieu à des représailles