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La caisse de la communauté reçoit : 1° les fonds laissés par héritage, 2° une partie des revenus des églises, 3° le montant des cotisations annuelles. Le budget se règle tous les ans d’après les dépenses prévues. Selon les ressources, on décore les églises, on en bâtit de nouvelles, on élève un hospice, on fait venir d’Athènes un maître excellent, on envoie à l’université un jeune homme qui donne des espérances, on répare un chemin dans le quartier. La communauté ne se borne pas à régler ses dépenses, elle institue des conseils de justice qui arrangent à l’amiable les différends entre orthodoxes. Il serait triste de voir trop souvent des Grecs aller au tribunal turc pour un procès grec. Les anciens sont nommés arbitres ; au besoin on élit une commission spéciale, et même on remet une décision au vote du peuple tout entier. Parfois aussi les intérêts locaux nécessitent le départ d’une délégation pour Constantinople ; ces petites ambassades portent la supplique de tous. Rien ne fait plus d’honneur aux Grecs que le bon sens avec lequel, sans loi écrite, sans constitution, ils savent régler leurs affaires intérieures. La démocratie la plus large est la loi de ces communautés. L’égalité d’éducation y est presque complète ; la fortune n’y établit pas de grandes différences entre les uns et les autres. Le pauvre est rare parmi eux ; celui même qui vit de son travail quotidien n’est jamais soumis à ces durs labeurs si fréquens dans nos sociétés. Sa vivacité d’esprit ne s’altère jamais ; à l’agora, à l’église, au cabaret, le marin, l’ouvrier, le riche propriétaire, sont toujours des égaux.

La communauté arménienne a été autrefois plus puissante qu’aujourd’hui ; les Arméniens, si nombreux au moyen âge et jusqu’au siècle dernier en Roumélie, quittent le pays à mesure que la pauvreté y fait des progrès. Cette race est avant tout commerçante : elle ne se livre ni à l’agriculture, ni à la marine ; elle fait le courtage, la banque, la commission ; il ne lui déplaît pas de rendre beaucoup de services aux Turcs, et pour cette raison elle est souvent mal vue des autres sociétés chrétiennes. Douée de finesse sous une apparence lente et presque lourde, elle n’a ni l’indépendance ni l’esprit si brillant des Grecs. Elle rappelle par beaucoup de traits de caractère la nation juive ; mais elle a plus de tenue, plus de respect de soi. À Rodosto, les Arméniens ont quelques belles maisons meublées avec luxe, une église très ornée ; ils aiment à vivre chez eux, en famille, sortent peu, si ce n’est pour leurs affaires ; les notables presque seuls dirigent la communauté, dont les tendances sont surtout aristocratiques.

Les quelques protestans que l’on compte à Rodosto ne savent pas pour la plupart très bien à quelle religion ils appartiennent. Depuis vingt ans environ, les sociétés bibliques font en Orient une propagande active, leurs missionnaires vont partout ; les cartes qu’ils pu-