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blient des lieux où ils ont prêché et fait des conversions sont intéressantes. En Syrie, en Palestine, en Égypte, en Asie-Mineure, en Grèce, jusqu’en Arménie, ils ont des églises. Leurs pasteurs, anglais, américains et allemands, disposent de sommes considérables ; ils font preuve d’une rare intelligence, et cherchent plutôt encore à répandre la civilisation que les dogmes d’une secte particulière. C’est ainsi qu’ils s’attachent surtout à montrer l’importance du travail et des sciences modernes. À Beyrouth, ils ont créé de toute pièce un laboratoire de chimie industrielle pendant qu’ils établissaient une imprimerie arabe. Dans des pays peu peuplés, comme ici, ils ont dû se borner à de courtes visites ; la seule prédication a peu d’influence sur des Grecs ou des Arméniens. Cependant de pauvres gens, attirés par les aumônes, sont venus les entendre lors de leurs passages, quelques-uns ont été séduits par l’élévation et la charité de leurs discours ; mais dans peu d’années, si la prédication ne se renouvelle pas, ces prosélytes seront retournés à leurs premières croyances.

Voir le mieux possible les religions diverses qui se partagent cette ville est certainement l’intérêt principal d’un séjour à Rodosto. L’industrie locale est à peu près nulle ; la culture des vers à soie, qui occupe quelques habitans, ne fait que des progrès médiocres. Un mur antique, formé de pierres colossales, est peut-être tout ce qui reste de l’ancienne Bisanthe. L’église de la Panagia Rlicumatocratorissa (la vierge impératrice du torrent) conserve un office manuscrit qui explique ce nom bizarre. Au moyen âge, la Vierge, patronne du sanctuaire, a dispersé des barbares sur les bords d’un ruisseau encaissé. On remarque dans cette même église les longues épitaphes en latin oratoire d’exilés hongrois qui reçurent un asile sur ces côtes après la paix de Carlovitz. Les Magyars ont le culte de ces tombes, ils y viennent presque chaque année en pèlerinage de Pesth et de plus loin.


Panidon, 20 septembre.

De Rodosto à Panidon, la route est d’une heure le long de la plage ; c’est un plaisir de la faire à pied. La campagne, plate et dénudée, offre peu d’intérêt ; mais la mer de Marmara est admirable. L’île de Proconèse au premier plan, les côtes de la Bithynie à l’horizon, sont baignées dans une vapeur étincelante de ce gris lumineux propre à l’Orient ; la mer immobile et chaude est du plus beau bleu, couverte au loin seulement de teintes plus pâles. Le village de Panidon est grec, le maître d’école et les notables me reçoivent ; ils veulent que j’interroge les élèves, et, connue je leur laisse ce soin, ils leur font raconter la bataille de Salamine, puis celle de Platée, puis celle de Marathon, l’histoire de leurs pères, comme ils disent. Ces bambins ont très bien lu leur Plutarque. Après l’exa-