Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une fois accomplies, ne reviennent pas sur elles-mêmes, et le roi Victor-Emmanuel a pu dire sans jactances : « Nous sommes maintenant à Rome, nous y resterons. » Par une coïncidence étrange, c’est le passé qui s’évanouit au même instant à Rome sous la forme du pouvoir temporel, à Paris ou à Chambord sous la forme de la royauté pure. Ce qui est moins douteux encore, c’est que nous n’y pouvons rien, et il serait même utile qu’il fût bien entendu que la France ne s’attache point à l’irréparable.

Nous concevons l’émotion des évêques français, qui, depuis quelque temps, essaient, par des pétitions multipliées, de ramener l’attention de l’assemblée nationale sur les affaires de Rome, L’occasion n’est point malheureusement des mieux choisies. Si c’est un acte tout religieux, une marque de fidélité envers le saint-siège, une pastorale suffisait. Si les évêques prétendent donner un sens politique à leurs démarches, que veulent-ils ? Ont-ils l’étrange pensée d’engager la France dans une guerre nouvelle pour rendre au pape sa souveraineté temporelle, pour chasser l’Italie de Rome ? Qui oserait proposer sérieusement cette politique dans une assemblée ? Que notre gouvernement, par un de ces congés diplomatiques qui sont la ressource des situations délicates, ait cru devoir dispenser récemment notre ministre à Florence d’aller assister à l’inauguration de Rome capitale, il le pouvait sans doute, il le pouvait d’autant mieux que la France n’a été nullement consultée dans les derniers évènemens. C’était pour lui une manière de dégager sa responsabilité et de montrer quelques ménagemens au pape dans une crise douloureuse. Au-delà, il n’y avait plus rien à faire, même diplomatiquement, et la meilleure preuve que le gouvernement français ne voulait pas aller plus loin, c’est qu’il a pris lui-même le soin de déclarer que ses relations avec l’Italie n’étaient nullement altérées. La seule question qu’il ait à se poser aujourd’hui est celle de savoir dans quelle mesure et sous quelle forme il doit désormais se faire représenter à Rome vis-à-vis du gouvernement italien et vis-à-vis du souverain pontife.

L’essentiel est que dans cette situation soit nette, qu’il ne s’y glisse aucune de ces arrières-pensées qui commencent par créer des froissemens et qui finissent par aboutir à des relations troublées. Il ne s’agit pas de savoir si cette révolution aurait pu s’accomplir autrement, elle est accomplie. La France, comme les autres puissances de l’Europe, n’a qu’une chose à demander à l’Italie, l’application la plus libérale possible de la loi qu’elle a votée elle-même pour garantir l’indépendance spirituelle du saint-siège. C’est au cabinet de Rome, puisqu’il y a désormais un cabinet de Rome, de faire que la question soit résolue de façon qu’elle ne puisse renaître. En un mot, aujourd’hui comme par le passé, ce qu’il y a de mieux pour la France et pour l’Italie, c’est une politique de sympathie et de bonne intelligence. Cette politique, elle a eu à