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LES
AFFAIRES DE CHINE

LA MISSION DE M. BURLINGAME ET LE MASSACRE DE TIEN-TSIN.


I.

A la suite de l’expédition anglo-française de 1859, l’attitude du gouvernement chinois parut pendant plusieurs années favorable aux intérêts européens. La leçon avait été rude ; on ne peut dire cependant qu’elle eût été humiliante, car le point d’honneur en Chine a un objectif qui n’est pas le nôtre. Des bandes immenses d’hommes armées mises en déroute par quelques compagnies de soldats occidentaux, le pillage du palais d’été de l’empereur, la capture de Canton et de Pékin, c’était assez pour inspirer une terreur durable. Le baron Gros et lord Elgin n’avaient pas au surplus abusé de la victoire. Aux stipulations insérées dans le traité de Tien-tsin l’année précédente, les plénipotentiaires de France et d’Angleterre n’avaient ajouté qu’une indemnité de guerre bien inférieure aux dépenses réelles de la campagne ; peut-être cette modération fut-elle affaire de sentiment plutôt que de calcul. La clémence après la victoire, aussi bien que la fermeté d’âme dans l’adversité, sont des qualités propres aux nations très civilisées ; les hommes de race inférieure en profitent sans se croire obligés de s’y conformer à l’occasion. La paix conclue, Chinois et Européens avaient repris leurs relations habituelles, avec mains d’arrogance d’une part et plus de sécurité de l’autre. Les missionnaires catholiques continuaient leur œuvre de charité ; les balles de soie s’empilaient plus nombreuses