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magasin, d’un lavoir et d’une petite cour, le tout très irrégulièrement distribué au rez-de-chaussée. Au premier se trouve un cabinet renfermant les balances et autres instrumens de précision. Huit ou dix personnes au plus peuvent travailler ensemble dans ce laboratoire, qui depuis vingt ans, sous la direction de M. Wurtz, a été le foyer des plus importantes recherches. Les deux tiers des mémoires de chimie organique publiés en France sortent de cette officine étroite. C’est là que M. Wurtz et M. Friedel ont accompli toutes leurs découvertes, qu’un grand nombre de savans français et étrangers ont été initiés à l’art de chercher. Aussi bien le maître s’y est fait une loi de donner chaque jour l’exemple du travail, et d’encourager par une libérale et familière assistance l’émulation et l’ardeur des élèves. De temps à autre, tantôt debout, tantôt assis sur un vieux tabouret rembourré dont le crin sort par cinquante déchirures, il assemble son monde dans un colloque amical, et là il prodigue à tous les conseils utiles, les avis féconds. Les étrangers n’y perdent rien, car M. Wurtz joint à ses autres mérites celui de parler les principales langues de l’Europe. C’est un beau spectacle de voir en ce sanctuaire le maître discutant avec abandon, donnant à la vérité son sympathique assentiment ou relevant l’erreur avec une ingénieuse et piquante finesse.

Le principal laboratoire de chimie de la Sorbonne, qu’on appelle laboratoire de perfectionnement et de recherches, est une pièce humide et sombre, de plus de 1 mètre en contre-bas de la rue Saint-Jacques. La faculté des sciences n’a été enrichie qu’il y a très peu de temps d’un laboratoire plus spacieux, à l’usage des débutans. L’école de pharmacie n’a que des laboratoires insignifians, où M. Berthelot a fait la plus grande partie de ses beaux travaux. L’Ecole normale supérieure de Paris possédait depuis 1845, époque à laquelle elle fut transférée rue d’Ulm, des laboratoires assez spacieux, tant pour les professeurs que pour les élèves. M. Henri Sainte-Claire Deville y a fait ses études sur l’aluminium, la dissociation et l’emploi des hautes températures. M. Debray, M. Troost et d’autres de ses élèves y ont poursuivi des recherches du même ordre. En 1866, M. Deville obtint d’importantes allocations pour agrandir son laboratoire personnel et l’approprier au genre spécial d’investigations qu’il poursuit. Des fourneaux énormes, de beaux appareils de fer et de platine pour l’emploi de chaleurs très élevées et de pressions très fortes, bref tout ce qui est nécessaire aux études de chimie minérale est réuni là, non sans profusion. Les laboratoires d’enseignement à l’usage des élèves ont été aussi notablement améliorés. Comme disposition, comme ressources, comme matériel, l’établissement chimique de l’École normale est le seul de France