Pendant que nous faisions la guerre,
Le soleil a fait le printemps ;
Des fleurs s’élèvent où naguère
S’entre-tuaient les combattans.
Malgré les morts qu’elles recouvrent,
Malgré cet effroyable engrais,
Voici leurs calices qui s’ouvrent,
Comme l’an dernier, purs et frais.
Comment a bleui la pervenche ?
Comment le lis renaît-il blanc,
Et la marguerite encor blanche,
Quand la terre a bu tant de sang ?
Quand la séve qui les colore
N’est faite que de sang humain,
Comment peuvent-elles éclore
Sans une tache de carmin ?
Leur semble-t-il pas que la honte
Des vieux parterres envahis
Jusques à leurs corolles monte
Des entrailles de leur pays ?
Sous nos yeux l’étranger les cueille,
Pas une ne lui tient rigueur,
Et, quand il passe, ne s’effeuille
Pour ne point sourire au vainqueur ;