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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet 1871.

Il est encore bien des esprits qui ne peuvent se faire au régime sous lequel nous vivons, et qui à la première occasion éclatent en impatiences. La réflexion les retient, l’instinct les emporte parfois. Ils passent leur temps à mettre d’accord leurs idées, qui vont au-delà de l’ordre de choses actuel, et leur patriotisme, qui s’incline devant la nécessité. C’est ainsi que s’expliquent peut-être ces légères recrudescences, de plus en plus rares d’ailleurs, où se réveillent comme dans un éclair ces questions de république et de monarchie qu’on est convenu de laisser dormir, et qui se déchaînent de temps à autre à l’improviste, ne fût-ce que dans une discussion sur la validité d’une élection. Un instant tous ces mots de guerre retentissent, la querelle a l’air de s’enflammer, c’est l’effet de l’impatience ; aussitôt on court se remettre à l’abri sous la protection du pacte qu’on s’est fait une loi de maintenir, c’est la réflexion qui reprend son droit. Le pacte de Bordeaux, c’est notre constitution. Assurément, on ne peut dire le contraire, ce régime qui pèse aux impatiens et à tous les partisans de la logique à outrance, ce régime est une nouveauté un peu étrange dans l’histoire des gouvernemens ; il n’a pu naître que dans des circonstances extraordinaires, et parce qu’il a trouvé tout à propos pour le personnifier un homme offrant les garanties d’un esprit supérieur et d’une grande expérience, d’un patriotisme dévoué et d’un libéralisme conservateur. Il a quelque peine à se définir lui-même, et il aurait tout au plus un nom, s’il ne s’appelait avant tout la France. Il ne faut pas cependant l’oublier, ce régime a pour lui, aujourd’hui comme hier, la force de la nécessité : il est la défense du pays devant l’étranger, la sauvegarde de ce qui nous reste d’ordre intérieur, et, tel qu’il est depuis qu’il existe, il a suffi pour créer ces conditions visibles d’apaisement où la vie commence à renaître, où de vieilles proscriptions ont pu être abrogées sans