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et se consolider cette paix relative qui a fait d’incontestables progrès depuis deux mois, qui est l’œuvre d’un régime de patriotique et libérale prudence, et à laquelle tout le monde a contribué, le chef du pouvoir exécutif par ses directions, son initiative et son habileté, l’assemblée nationale par son esprit d’abnégation et sa bonne volonté.

Cette assemblée en effet, cette assemblée elle-même est assurément des plus modérées. Elle a un mérite qui a singulièrement servi à la paix publique dans les circonstances actuelles : en tout ce qui est politique, elle sait se contenir et même oublier presque, quand il le faut, qu’elle est le pouvoir prépondérant, l’image vivante de la souveraineté nationale. Elle sait prudemment résister aux tentations de la toute-puissance, et, jusque dans ses relations journalières avec le gouvernement, elle n’abuse point de ses droits les plus incontestés, elle n’en use même pas toujours ; elle s’abstient avec un soin scrupuleux de tout ce qui pourrait avoir l’air de provoquer des crises ou des conflits inutiles, et véritablement jamais assemblée politique n’a vu s’agiter dans son sein moins d’ambitions et de compétitions de pouvoir. Voyez effectivement ce qui se passe : à coup sûr, l’assemblée nationale n’a aucun enthousiasme pour le ministère, oh ! pour cela non, elle n’aime pas le ministère ; elle fait des exceptions pour quelques-uns des membres du cabinet, comme M. Lambrecht ; pour d’autres, elle n’a que le goût le plus médiocre, cela est certain, cela saute aux yeux, et, pour tout dire, elle n’a pas absolument tort, car enfin, parmi ces ministres que rassemblée n’aime guère, il en est qui après une expérience suffisante pourraient désormais quitter le pouvoir sans laisser un vide sensible dans la direction des affaires publiques. Le malheur de quelques-uns des ministres d’aujourd’hui, c’est de plier sous le poids des événemens auxquels ils ont participé, ou de paraître ne pas comprendre la gravité de la mission que la plus impérieuse nécessité leur impose. Ils sont des ministres ordinaires et très ordinaires dans des circonstances extraordinaires, voilà leur faute. Ils n’ont visiblement aucune étincelle de l’inspiration virile et passionnée qui devrait aujourd’hui diriger des hommes dans l’œuvre de la régénération morale et de la reconstitution du pays.

Quoi donc ! direz-vous, M. Jules Simon n’est-il pas un ministre plein de feu et de zèle ? Il vient de faire une tournée à Brest et à Cherbourg ; il est allé visiter les insurgés de Paris retenus sur les pontons, il a étudié leurs dossiers, il s’est attendri peut-être. Nous sommes charmés d’apprendre que M. Jules Simon a trouvé le temps d’aller à Cherbourg et à Brest inspecter les pontons, et puisqu’il est en si bonne humeur d’activité pour les choses qui ne le regardent pas, il ne serait pas inutile qu’il déployât cette même activité dans l’administration de l’instruction publique, qui le regarde un peu plus. Quand M. Jules Simon s’occuperait de l’enseignement, où tout est à faire, au lieu de