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ment effrayante. On admet qu’une eau n’est pas insalubre et peut être déclarée potable lorsqu’elle contient, en matières salines, 60 centigrammes seulement; et, en matières organiques, pas plus de 1 centigramme par litre[1]. Or les analyses de M. Fauré ont révélé la présence de 10 et de 20 centigrammes de substances organiques dans quelques-unes des eaux souterraines des Landes, tandis que les matières minérales s’y trouvaient dans la proportion de 20 à 80 centigrammes par litre (de 2 à 4 dix-millièmes). Voici quelques exemples, que nous rapprochons de l’analyse d’une eau très pure, celle de la Garonne, à Castets, et de l’analyse d’un puits dont l’eau est très insalubre :


Matières minérales. Matières organiques
(dans 1 litre).
Garonne, à Castets 0gr,145 0gr,003
Reims, puits de l’Hôtel-Dieu 0,420 0,142
Sous-sol des Landes. Le Parpt 0,380 0,186
« Le Buch 0,574 0,217
« (Saint-Vivien 0,821 0,022

Ces eaux des landes offraient une couleur jaune-brun plus ou moins foncé, quelquefois légèrement verdâtre, elles avaient une odeur et une saveur marécageuses qui disparaissaient en partie par l’ébullition, après le dépôt d’un sédiment floconneux ayant les caractères de l’albumine végétale. L’eau bouillie pouvait se conserver en bouteille un mois et plus sans altération, tandis que quatre ou cinq jours suffisaient pour amener à la putréfaction celle qui n’avait pas bouilli. Cette eau pouvait être considérée comme la cause principale des fièvres paludéennes qui ont été si longtemps endémiques dans cette région de la France.

Les choses sont bien changées aujourd’hui depuis que les Landes ont été transformées en vastes pinèdes par l’introduction systématique du pin maritime. Voici comment M. Faye, en les revoyant à trente ans d’intervalle, décrit ses impressions dans une note qu’il a lue l’été dernier à l’Académie des Sciences. « Ces vastes plaines, dit-il, que j’ai vues désertes et dont les bruyères servaient à nourrir misérablement quelques troupeaux de moutons surveillés de loin par des pasteurs à échasses, sont couvertes aujourd’hui de riches semis de pins maritimes; mais ce qui n’a pas changé, c’est la couche imperméable d’alios... L’influence de cette couche invisible sur la condition des habitans des Landes a été grande. En maintenant les produits de la décomposition végétale dans la couche supérieure d’un sol presque sans pente, l’alios a fixé pendant des siècles la fièvre intermittente dans ces pauvres contrées où, de plus, une nourriture presque antédiluvienne, le pain sans levain (cruchade), a conservé longtemps comme une dernière trace des maladies préhistoriques. Aujourd’hui les fièvres ont disparu, on ne parle plus de la

  1. Grimaud de Caux, les Eaux publiques.