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à s’affliger, puisqu’il était resté uni pendant ces premiers temps d’exil ; chacun pouvait se rendre justice qu’il avait été bon, charitable, digne de la pieuse mémoire du chef martyr qu’ils vénéraient. Un seul resterait à Andrinople, et ne partagerait pas le voyage qui leur était imposé ; il n’avait pas été coupable, mais en se mariant à une femme turque il avait perdu la confiance de ses frères. » Ce malheureux, qui assistait à ce discours, rentra chez lui désespéré et se coupa la gorge : fait surprenant, si on se rappelle que le suicide est à peu près inconnu des Orientaux. En 1868, les babistes ont été transportés, m’a-t-on dit, à Chypre ; peut-être ont-ils dû bientôt quitter cette île, comme ils avaient quitté Andrinople.

On a fait beaucoup de bruit en Europe, aux environs de 1860, d’un mouvement catholique bulgare auquel la cour de Rome s’est intéressée. Peu s’en est fallu qu’on ne s’imaginât tous les Slaves de la Turquie soustraits à l’autorité du patriarche grec de Constantinople. On peut voir aujourd’hui à Andrinople quels résultats a produits ce mouvement. Du XIe au XIIIe siècle, l’histoire signale en Roumélie et en Bulgarie des évêques qui reconnaissent la suprématie romaine. Leur puissance, toujours mal assurée, et dont les vicissitudes sont peu connues, s’éteignit sans laisser de souvenirs chez les habitans du pays. La propagande catholique de ces dernières années a été le fait de missionnaires polonais qui, parlant le slave, étaient facilement compris des populations. Les pères de la Résurrection furent les premiers à entreprendre la conversion des Bulgares. La Porte se montra favorable à leurs projets ; une communion de plus en Turquie, c’est un nouveau principe de faiblesse pour les raïas. Pendant que de Rome le cardinal Barnabo saluait, sans s’exagérer les espérances qu’il convenait de former, la renaissance de la foi dans la vallée de la Maritza, Kuprili-Pacha, gouverneur d’Andrinople, parcourait la province, et encourageait les conversions. Les chrétiens d’Orient renoncent plus difficilement qu’on ne le pense à leur église ; moitié par habitude, moitié par lenteur d’esprit et par ignorance, les Bulgares sont insensibles à la prédication religieuse. Une révolution qui, en modifiant très peu les caractères extérieurs du culte, les eut enlevés à la tyrannie des évêques grecs eût seule pu les séduire. Ce n’était pas ainsi que les missionnaires polonais l’entendaient, leurs efforts échouèrent complètement. Ils avaient voulu bâtir une église près de l’archevêché grec ; l’archevêque démontra au mesliss que le terrain était vacouf, c’est-à-dire propriété d’une mosquée : l’église fut abandonnée. Les Polonais se transportèrent à Kérischané, village situé aux portes d’Andrinople ; ils y ont eu pendant cinq ans une école où ils n’ont pas réuni plus de trente élèves, et qu’ils ont abandonnée. Les Bulgares catholiques-unis sont aujourd’hui au nombre d’envi-