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cières du gouvernement, ni même sur les conditions de l’organisation militaire ; on a du moins déblayé à demi le terrain en se mettani d’accord sur l’indemnité des départemens envahis, sur la loi des conseils-généraux. C’est un commencement. Maintenant cette union laborieusement maintenue en détail va-t-elle être reperdue et compromise d’un seul coup par la motion qui vient de se produire, et qui propose une sorte de constitution sommaire avec le chef actuel du pouvoir exécutif comme « président de la république » pour trois ans ? Ce qu’on a fait pour des questions relativement secondaires sans doute, mais encore assez sérieuses, hésiterait-on à le faire dans une circonstance où plus que jamais l’esprit de conciliation doit avoir le dernier mot ? Voilà ce qui s’agite depuis trois jours au milieu des émotions les plus vives suscitées par cette proposition qui devait venir, que tout le monde pressentait plus ou moins depuis quelque temps, et qui a eu l’étrange fortune de ressembler à un coup de théâtre inattendu.

Cette prorogation ou cette transformation du pouvoir exécutif domine tout aujourd’hui évidemment. D’ici à très peu de jours, la question sera décidée souverainement par l’assemblée nationale, qui a prononcé l’urgence, et ce qu’il y a de singulier, ce n’est pas cette idée même de fixer des pouvoirs mieux définis entre les mains de celui qui depuis six mois est l’illustre personnification de la France, c’est qu’on en soit arrivé là par le chemin qu’on a suivi. La vérité est que la proposition Rivet, puisque c’est M. Rivet qui lui a donné son nom, a eu l’air de sortir de ce fourré de conflits qui se sont multipliés depuis quelque temps, qui en dépit de toutes les métamorphoses constitutionnelles restent l’exacte et vive expression des rapports de l’assemblée et du gouvernement. Où en sont aujourd’hui tous ces conflits ? Quelques-uns sont heureusement dénoués, disions-nous, d’autres sont encore en suspens, tous ont été soutenus avec une certaine vivacité. Et d’abord un des premiers points sur lesquels on a fini par s’entendre, c’est la question de l’indemnité aux départemens qui ont souffert, qui souffrent encore de l’invasion prussienne.

Cette question douloureuse, aussi délicate que douloureuse, un des représentans des Vosges l’avait soulevée, l’assemblée l’avait visiblement prise à cœur, la commission nommée par l’assemblée se prononçait pour le principe absolu de l’indemnité, et au dernier moment M. Buffet, qui ne se prodigue pas d’habitude, mettait au service d’une cause faite pour exciter un intérêt universel une parole serrée et habile. Le gouvernement résistait cependant, il ne déclinait pas pour l’état l’obligation de venir en aide à ceux qui ont porté plus que tous les autres le poids des luttes nalionales, à ceux qui ont été les premières victimes de l’invasion ; il refusait seulement de reconnaître, même au malheur, un droit qui pourrait avoir les plus étranges conséquences. Les défenseurs de la