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cette bonne volonté et de ce patriotisme qui ont dénoué jusqu’ici bien des difficultés.

Qu’est-ce que notre histoire depuis quelques semaines ? C’est en définitive l’histoire d’une série de conflits qu’il ne faut ni exagérer ni diminuer, qui ne sont point assurément sans gravité par eux-mêmes et qui s’aggravent encore de toutes les incertitudes d’une situation précaire, des efforts un peu impatiens qu’on tente aujourd’hui pour sortir de ces perplexités au risque d’un conflit de plus venant couronner tous ces conflits et d’une crise nouvelle ajoutée à tant d’autres crises. Le fait est qu’il y a eu un moment où tout est devenu occasion de débats entre certaines fractions de l’assemblée, ou, si l’on veut, entre un certain esprit régnant dans l’assemblée et le gouvernement, on avait tout l’air de ne plus être d’accord sur rien et d’aller un peu au hasard. On ne s’entendait pas sur le principe de l’indemnité demandée pour les départemens qui ont le plus cruellement souffert de l’invasion ; on ne s’entendait pas sur la décentralisation, au dernier instant on se heurtait sur cette loi des conseils-généraux, menacée tout à coup d’être arrêtée au passage avant de recevoir la consécration définitive de la troisième lecture. Les questions d’organisation militaire suscitaient d’intimes et sérieuses divergences. On était encore moins d’accord sur les affaires de finances, dont la commission du budget s’occupe avec une laborieuse et persévérante fermeté. Les nouveaux impôts proposés par le gouvernement sur les matières premières ont été dès l’abord la plus grosse difficulté, de sorte que, tout compte fait, il y avait autant de dissentimens que de questions agitées dans l’assemblée ou les commissions. Oui, sans doute, c’est une situation singulière, un peu irritante peut-être par momens, moins grave cependant au fond que dans les apparences, par cette raison bien simple que, si on différait sur des détails, même sur des questions de direction, on s’entendait toujours sur le point essentiel, sur ce qui domine tout le reste ; on s’entendait sur la nécessité de ne pas se brouiller, de ne pas laisser dégénérer des différends d’opinion en rupture politique ouverte. À vrai dire, chacun était dans son rôle, l’assemblée en maintenant son autorité et en défendant ses œuvres sans avoir la moindre envie d’affaiblir le gouvernement, le pouvoir exécutif en cherchant à sauvegarder ce qu’il croyait juste et utile sans prétendre imposer à l’assemblée le désaveu de ce qu’elle avait fait ou de ce qu’elle pensait. Au-dessus de toutes les divergences secondaires, il y avait de part et d’autre le sentiment d’une solidarité supérieure que les circonstances imposent plus que jamais, et qu’on ne peut abandonner à la merci des incidens. C’est ce qui sauvait tout, et en réalité qu’est-il advenu déjà de quelques-uns de ces conflits ? Il a suffi d’un peu de bonne volonté pour les dénouer. On ne s’est point encore entendu, il est vrai, sur l’article essentiel des propositions finan-