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moines à figures réjouies, au teint fleuri, la robe relevée pour mieux courir dans les rues montantes de la ville ; ils jettent à droite et à gauche des œillades incendiaires aux fenêtres à moucharabies derrière lesquelles brillent les beaux yeux noirs des Maltaises. Voici le natif, à figure bronzée, rusée, bonnet rouge en tête et le pantalon relevé aux genoux ; il vous offre des coraux, des coquillages, des fruits et certains passe-temps dont il déclare sans vergogne être l’impresario honoré. Sono r…) ho quest’ onor, me dit l’un d’eux avec un aplomb parfait. A l’affût des passagers qui reviennent de l’Inde, le Maltais court leur offrir des paniers de fruits de toute beauté. Comme ces voyageurs n’ont pas vu depuis longues années les pêches veloutées ou les appétissans raisins d’Europe, ils les paient sans marchander 20 ou 30 francs ; mais à 5 mètres du môle vingt nouveaux porteurs vous les offrent à vil prix. Lorsqu’on revient à bord, le pont est encombré de fruits de toute sorte, car tous les passagers se sont laissé tenter.

A chaque coin de rue, on trouve une lampe allumée, une madone, des femmes agenouillées, dont la taille est gracieusement entourée de la longue mantille en soie noire appelée onnella. L’île, qui n’a que 60 milles de circonférence et 170,000 habitans, est exploitée par 300 couvens. Les murailles de quelques-unes de ces forteresses monacales ont 100 pieds de haut. La tentation, qui ne peut escalader cette hauteur, préfère à bon escient les petites portes basses qui donnent sur la campagne. En dehors de Malte et de ses formidables fortifications, vous trouvez un sol calcaire d’une couleur jaunâtre et d’une grande aridité. Si vous ne craignez pas une épouvantable poussière, allez jusqu’à Civita-Vecchia, où vous serez à peine récompensé de votre fatigue par la vue de quelques jardins. La flore de la Sicile et celle de l’Italie s’y trouvent confondues. En somme, il n’y a de rare que quelques bambous malingres, et de beau que les orangers qui donnent l’orange mandarine. Le mieux est de ne pas sortir de Malte, de visiter l’église Saint-Jean, la chapelle de la Madone et le palais des anciens grands-maîtres de l’ordre. Parcourez aussi les catacombes d’origine phénicienne ; c’est là, dit-on, que saint Paul fut enfermé lorsqu’il fit naufrage sur les falaises de l’île en se rendant à Rome. Il y a quelques beaux magasins dans la Stratta nuova ; entrez-y, faites étaler devant vous les coraux, la bijouterie et les dentelles maltaises, mais n’achetez rien. C’est toute l’industrie de l’île, appréciée par les Anglais seulement ; les bijoux sont vulgaires ; les dentelles, quoique belles, ne valent pas celles de Chantilly, et les coraux, montés dans un goût baroque, sont hors de prix.

En quatre-vingt-seize heures, on va de Malte à Alexandrie. Le