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de Guise prenait hardiment pour rabattre l’insolence des seize. Afin d’annuler leur influence dans le conseil, il y fit entrer quatorze personnes notables, entre autres les présidens Lemaistre et Jeannin, l’ex-secrétaire d’état Villeroi et l’évêque de Rennes, Hennequin. De cette façon, le conseil général de l’union, dans lequel il avait été décidé que les délégués des bonnes villes auraient droit de siéger, perdit beaucoup de son caractère municipal, et devint un véritable conseil d’état. Le titre de lieutenant-général de l’état royal et couronne de France, qui fut attribué à Mayenne, le revêtit d’une sorte d’autorité souveraine. La résolution du conseil général de l’union fut enregistrée au parlement, à la chambre des comptes et à la cour des aides. C’était là une victoire du parti modéré, et le président Brisson, qui se vantait d’avoir été le promoteur de la mesure, et entre les mains duquel Mayenne prêta serment, avait rédigé la formule de façon à garantir le maintien des institutions fondamentales du royaume. Afin de se faire bien venir des provinces, le nouveau conseil d’état déclara que le quart des tailles et des crus allait être remis, que le taux des impôts serait bientôt ramené à ce qu’il était du temps de Louis XII, sans prendre garde que les embarras où les ligueurs jetaient la France ne pouvaient qu’entraîner un accroissement des charges publiques. Tout ce régime n’était au reste regardé que comme provisoire ; l’ordre définitif devait être réglé par les états-généraux, dont on annonçait la convocation à Paris pour le 15 juillet. Mayenne devenait donc une sorte de régent constitutionnel ; mais dans l’état de division où se trouvait la France, de trouble auquel Paris était en proie, son autorité menaçait d’être fort précaire. Il lui fallut faire des concessions aux seize. Ainsi, tandis qu’il donnait l’ordre de relâcher la plupart des membres du parlement détenus à la Bastille ou au Louvre, qu’il interdisait aux particuliers d’arrêter les suspects et de saisir leurs biens sans un mandement formel des magistrats, il publiait, de concert avec le conseil de l’union, un règlement qui prescrivait la confiscation des biens de ceux qui refusaient de prêter le serment de la ligue.

Le nouveau gouvernement avait à faire face à bien des difficultés ; mais une question primait toutes les autres, c’était la défense de Paris et la guerre contre les troupes royales, qui venaient de se coaliser avec celles d’Henri de Navarre. Mayenne alla se mettre à la tête des forces catholiques, qu’on devait avoir grand’peine à rassembler, si on en juge par les injonctions fréquentes du bureau de la ville aux soldats et gens de guerre, courant dans Paris et aux alentours, de vider les lieux et de rejoindre leur garnison. L’armée, mal disciplinée, était un mélange d’élémens fort disparates. Quoiqu’elle combattît pour la défense de la foi, l’ivrognerie, la démoralisation et l’impiété s’y étalaient au grand jour. Quand