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ce que l’on a appelé le parlement de la ligue par opposition à celui que le roi établissait à Tours, rendit un arrêt d’union avec le corps de ville de Paris pour lui adhérer et lui assister en toute chose. Les membres durent jurer en outre de poursuivre le châtiment du meurtre de messieurs de Guise.

Le coup d’état que venaient d’opérer les seize trouva parmi la populace, non-seulement de Paris, mais des villes voisines, une bruyante approbation ; elle s’applaudissait qu’on frappât un corps de judicature dont elle redoutait la sévérité, qui s’opposait à ses débordemens. Les politiques étaient dans la consternation. Henri III, par son mandement du 26 janvier, qui enjoignait au duc d’Aumale de vider Paris, et interdisait à toutes les cours, officiers et juges royaux, d’y exercer aucune juridiction, mettait les magistrats dans une situation embarrassante. Beaucoup, dans l’impossibilité de quitter la capitale, en étaient réduits à faire adhésion à la révolte pour continuer à remplir leurs charges. La rigueur avec laquelle les seize procédaient contre ceux qui refusaient de signer l’union et voulaient rester fidèles au gouvernement royal intimida les modérés et paralysa leur action, ce qui fournit à L’Estoile l’occasion de cette remarque : « les gens de bien manquant de courage, les mutins prirent le dessus. » Voilà le résumé de toutes nos révolutions. Le régime de terreur, qui avait déjà quelque peut commencé après la journée des barricades, s’appesantit de plus en plus sur les habitans. Les arrestations se multiplièrent ; on fouilla les maisons des suspects, on s’empara, de leur argent. On ne sait pas jusqu’où auraient été ces mesures révolutionnaires, si Mayenne n’était venu le 12 février rendre un peu de calme et de sécurité à Paris et s’opposer au régime de l’arbitraire. Le duc convoqua une assemblée générale de tous les corps et états de la ville ; c’était là le plan des seize qui avaient déjà dressé à l’avance les noms de ceux qui devaient y siéger ; mais Mayenne entendait qu’on procédât plus régulièrement. La liste fut renvoyée par l’assemblée aux seize quarteniers pour qu’ils eussent à donner leur avis, d’après lequel le choix des membres du conseil général de l’union serait définitivement arrêté par un bureau assemblé près les seigneurs princes. Ce conseil se composa de quarante membres représentant les trois ordres et ayant à leur tête le duc de Mayenne, qui avait pris la place du duc d’Aumale. Quoiqu’on y comptât quelques prélats et quelques gentilshommes de marque, c’étaient les curés ligueurs et les seize qui y dominaient. P. Senault en fut nommé greffier ; il prétendit d’abord exercer dans ce conseil une sorte de dictature, fort qu’il était d’une bande de coquins qu’il avait à sa dévotion ; mais Mayenne y mit bon ordre en faisant emprisonner l’audacieux greffier. Ce n’était là au reste qu’une des nombreuses mesures que le frère d’Henri