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quelque peu les seize en présence de l’indignation soulevée par le meurtre. Pour faire taire les accusations de connivence avec les royalistes, Mayenne fît renouveler la défense sous peine de mort de favoriser les hérétiques ; mais par la force des choses les modérés tendaient la main aux politiques, dont le nombre grossissait et qui avaient repris courage. Les exaltés s’indignaient de voir qu’on favorisât des gens qui étaient tout prêts à recevoir le Béarnais, qu’on fît de la ligue avec des royalistes, tandis que les ligueurs éprouvés étaient tenus pour suspects, que plusieurs étaient accusés par leurs ennemis de vol et d’assassinat et envoyés à la potence. Les seize songèrent alors à ressaisir le gouvernement de la ville par un coup demain ; ils préparèrent le 31 mars 1592 un mouvement insurrectionnel. Ils se réunirent la nuit en armes. M. de Belin, gouverneur de Paris, arrêta sans peine cette tentative insensée. Les appels de la faction démagogique ralliaient peu de gens à une cause désormais perdue ; la grande majorité n’aspirait qu’à la paix, et l’aversion pour le roi hérétique s’affaiblissait de jour en jour. Les gros bourgeois et bon nombre d’ecclésiastiques éclairés et de magistrats, même des artisans désabusés des promesses qu’on leur avait faites, ne se sentant plus autant opprimés par les violens, commencèrent à s’organiser pour empêcher le retour des scènes de désordre et d’horreur dont ils avaient été victimes ; ils s’entendirent afin que les bonnes familles et les gens d’honneur se joignissent ensemble pour résister aux gens de néant, personnes abjectes et de basse condition qui se disaient catholiques zélez. Il y eut dès le mois d’août 1592 des réunions secrètes, des conciliabules, où l’on vit même paraître quelques-uns des seize qui avaient déserté la confrérie, puis les assemblées prirent un caractère tout à fait public. Après s’être tenues par quartiers, elles finirent par avoir lieu à l’Hôtel de Ville, où l’on fit ouvertement la proposition d’envoyer près du roi pour le semondre de se faire catholique, et obtenir en attendant la liberté du trafic. Les ligueurs avancés, impuissans à empêcher ces manifestations, prirent le parti de se rendre aussi à l’Hôtel de Ville et d’y délibérer avec leurs adversaires ; mais ils n’étaient pas là en majorité, et le 26 octobre ils insistèrent vainement pour qu’on renouvelât le serment de l’union, de ne jamais traiter avec le roi de Navarre. Les cours souveraines, notamment la chambre des comptes, rédigèrent aussi des adresses dans le sens des politiques. Mayenne s’inquiéta de cette réaction qui dérangeait ses visées ; il arriva le 24 octobre à Paris, chercha d’abord à tenir la balance entre les deux partis, et, comme dit L’Estoile, à contenter les uns et les autres ; mais les gens qui voulaient qu’on allât semondre le roi créaient pour son ambition un danger plus immédiat que celui auquel il était exposé du côté des seize. Il répondit fort durement à