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LE
DUC DE BROGLIE[1]

Le testament du duc de Broglie, en date du 19 juin 1839, contient cette disposition : « je lègue à mon ami M. Guizot un ouvrage de son choix à prendre dans ma bibliothèque de Broglie ; je regarde notre longue amitié comme l’un des biens les plus précieux que Dieu m’ait accordés. »

C’est en janvier 1870, à la mort du duc de Broglie, et plus de trente ans après la date de son testament, que j’ai reçu de lui ce témoignage d’une amitié vieille alors de trente ans de plus, et toujours restée la même à travers un si long temps plein de si grands événemens qui ont changé si souvent les situations et les dispositions des hommes.

J’ai à cœur de marquer ma place et ma part dans cette intimité mutuelle et persévérante. Je voudrais la faire connaître telle qu’elle a été et qu’elle s’est formée et maintenue au milieu, je puis dire au-dessus des épreuves de nos longues vies.

Ce n’est pas dans notre enfance et au sein de nos jeunes études que nous nous sommes connus et liés le duc de Broglie et moi. Il avait trente-trois ans et moi trente et un lorsque nous nous sommes rencontrés dans le monde, et que nous avons commencé à vivre l’un près de l’autre ; c’est en 1818 qu’a eu lieu notre rapprochement ; nous étions alors engagés l’un et l’autre dans la vie politique, et nous y avions déjà fait tous deux des pas décisifs, étrangers l’un à l’autre.

  1. Achille-Léonce-Victor-Charles, duc de Broglie, né à Paris le 28 novembre 1785, mort à Paris le 26 janvier 1870.