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chauffage. Les pays Scandinaves, la Norvège, la Suède et la Finlande, semblent avoir pris la charge d’approvisionner en bois résineux tous les rivages de l’Atlantique. Non-seulement ils fournissent à la France et à l’Angleterre des bois par millions de mètres cubes, mais à Rio de Janeiro l’on construit avec des épicéas de Norvège ; l’Australie même reçoit parfois du bois de ce pays, situé à ses antipodes : aussi le nord de l’Europe a doublé en dix ans ses exportations en bois d’œuvre, et il coupe sans mesure. En ces régions froides, la végétation forestière est lente, et la production ligneuse très réduite ; la consommation locale du bois sous toutes ses formes, chauffage, constructions, clôtures, instrumens, emplois agricoles et industriels, est en même temps énorme, à tel point qu’en Norvège le sol produit peut-être à surface égale cinq fois moins de bois qu’en France, tandis que par tête d’habitant on en consomme au moins cinq fois plus. Aussi reconnaît-on à l’administration centrale des forêts en Norvège que les exploitations ont atteint la limite du possible et l’ont même probablement dépassée. De même, en Suède, l’état des forêts est tel que, lors de l’exposition de 1867, M. de Ljungberg, s’appuyant sur les documens officiels, appréciait ainsi les faits : « la valeur du bois exporté est aujourd’hui l’équivalent de toutes les exportations que faisait la Suède il y a quinze ans ; mais, vu la méthode actuelle d’exploitation des forêts, cette exportation si considérable n’est plus en harmonie avec leur existence dans l’avenir. »

En dehors de l’Europe, il n’est pas probable que nous trouvions jamais de grandes ressources en produits ligneux. Que se passe-t-il par exemple en Amérique, la partie du monde la plus riche en bois ? Dans l’Amérique du Nord, les Américains seuls suffiront certainement bientôt à exploiter et à consommer tous les bois de cette région. L’Angleterre reçoit encore de ses possessions d’Amérique du bois d’œuvre pour une centaine de millions chaque année. Déjà cependant la ville de Chicago, née d’hier, qui compte aujourd’hui 300,000 habitans et qui forme sur le lac Michigan un emporium plus important que Marseille sur la Méditerranée, tire du Canada plus de bois que nous n’en importons en France de tous les pays, c’est-à-dire plus que la moitié de toute la quantité de bois d’œuvre que nous consommons. Elle l’envoie aux états de la prairie, qui en sont dépourvus, à l’Illinois, à l’Indiana, et dans un rayon chaque année plus étendu ; puis le Saint-Laurent transporte encore bien d’autres bois du Canada à destination de New-York et de tout le littoral oriental des États-Unis. Une chaire d’économie forestière se fonde en ce moment même à Lafayette-College, en Pensylvanie, preuve que l’approvisionnement du pays en bois préoccupe déjà les états le plus anciennement peuplés. Dans l’Amérique