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chêne n’est équivalent, ni en Afrique, ni en Amérique. Les chênes d’Afrique, nerveux à l’excès, se travaillent difficilement, sont très exposés à se déjeter et à se fendre. Les chênes d’Amérique sont moins durs, moins solides et d’un grain moins fin que les nôtres ; ils sont aussi plus sensibles aux alternatives de sécheresse et d’humidité. L’aire d’habitation de nos deux principaux chênes, formant deux races d’une même espèce, est limitée à l’Europe, en y comprenant l’Asie-Mineure, comme le faisaient les anciens géographes ; encore est-ce seulement dans l’Europe centrale que l’espèce se développe bien, qu’elle possède toutes ses qualités, et la contrée la plus riche en forêts aptes à produire du chêne est toujours la France. Cet arbre est un présent magnifique dont la nature nous a gratifiés ; la culture spéciale que nous pouvons en faire serait pour nous, comme celle de la vigne, une source d’immenses richesses.

La Gaule, à l’époque où elle fut conquise par les Romains, il y a de cela dix générations de chênes, avait, du Rhin aux Pyrénées, 40 millions d’hectares de forêts. Les bois couvraient ainsi les deux tiers de notre territoire ; c’était trop pour la prospérité du pays. Aujourd’hui, sur les 54 millions d’hectares qui restent à la France[1], Corse comprise, on ne compte guère que 8 millions d’hectares boisés, un septième de l’étendue totale ; c’est peu pour nos besoins. Il importe donc beaucoup d’en tirer le meilleur parti possible, c’est-à-dire d’économiser, de respecter, de mettre en réserve les bois d’avenir ; mais la plus grande étendue des forêts appartient maintenant à de simples particuliers, libres d’user et d’abuser, et dont le propre n’est point « le long espoir et les vastes pensées. » La portion gérée par l’état, comprenant son domaine forestier ainsi que celui des communes et des établissemens publics, n’est plus guère que de 3 millions d’hectares[2].

Ces forêts constituent des taillis simples, des taillis sous futaie et des futaies. Les taillis sont des bois exploités très jeunes,

  1. Cette surface et toutes les données de notre étude se rapportent à la France de 1870, telle qu’elle était constituée avant la perte de l’Alsace-Lorraine. Ce n’est qua dans plusieurs années qu’il serait possible de réunir les données établissant la production et la consommation de la France mutilée par la guerre. Elle a perdu par la cession de ces deux provinces environ 500,000 hectares de ses meilleures forêts, dont 150,000 à l’état, 250,000 aux communes et 100,000 aux particuliers. C’est en étendue la seizième partie de ses forêts ; mais sous le rapport de la production c’est au moins la huitième partie de sa richesse forestière.
  2. En 1868, les forêts de l’état représentaient 1,160,000 hectares, celles des communes et des établissemens publics 2,140,000 hectares, ce qui donne un total de 3,300,000 hectares, dont 1,300,000 en futaies, 1,700,000 en taillis sous futaie et 300,000 en taillis simples. On n’a pas retranché les vides, dont l’étendue dépasse 250,000 hectares. Les bois particuliers couvrant plus de 5 millions d’hectares.