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d’ordinaire entre dix et quarante ans, de manière qu’ils se reproduisent par rejets de souches. On distingue les taillis simples, dans lesquels il ne se fait pas de réserves, et les taillis sous futaie, dans lesquels on laisse debout à chaque exploitation des arbres de réserve, appelés parfois arbres de futaie, d’où le nom de taillis sous futaie. Ces arbres réservés sont principalement des chênes, et on leur donne les noms de baliveaux de l’âge (du taillis), de modernes ou d’anciens suivant leur âge. Les futaies proprement dites ou futaies pleines sont des forêts qui s’exploitent en général à un âge avancé, entre cent et deux cents ans, et qui se reproduisent uniquement par la semence. Les arbres résineux, qui ne produisent pas de rejets débouchés, ne peuvent former que des futaies.

C’est principalement le taillis sous futaie, — il forme la grande masse de nos forêts de bois feuillus, — qui peut donner des chênes de fortes dimensions. On conçoit dès lors que l’application suivie du principe posé par Colbert suffirait à multiplier la quantité de ces produits qui sera disponible au commencement et surtout pendant le cours du siècle à venir, et tout porte à croire que dans trente ans, dans cinquante ans, le commerce, l’agriculture et l’industrie réclameront à tout prix le million annuel de mètres cubes de gros chênes que nous pouvons encore leur ménager. Il est assez facile de se rendre compte de la quantité de ces bois nécessaire aux principales branches de la consommation. Négligeons, si l’on veut, la construction des maisons ; bien qu’il y entre une proportion énorme de bois, elle n’exige absolument du chêne de première qualité qu’à titre à peu près exceptionnel. On évaluait, il y a vingt ans, l’entretien annuel de notre marine militaire à 80,000 mètres cubes de chêne en grume (bois ronds). Notre marine marchande en réclame de 100,000 à 120,000. Il est permis d’estimer que le matériel roulant de nos chemins de fer en absorbe déjà au moins 50,000. Nos mines, qui emploient aussi du chêne dans leur matériel, leurs constructions et le revêtement des puits, en usent encore une grande quantité. On a évalué à 30,000 mètres cubes le volume, très variable d’ailleurs, nécessaire autrefois à l’artillerie et au génie. Quelque élevés que soient ces chiffres, il est cependant une industrie qui, à elle seule, réclame en France autant de bois de chêne que toutes ces branches de la consommation prises ensemble : c’est la production et le commerce des vins.

Le vin ne se fait et ne se transporte guère que dans du chêne, et la France est le plus grand vignoble du monde. Elle produit depuis quelques années de 50 à 70 millions d’hectolitres de vin, que les chemins de fer et les canaux distribuent maintenant sur tous les points du pays ; elle exporte à l’étranger, tant en vin qu’en eau-de-vie, une partie du produit de ses vignes, d’une valeur de 300