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eût réparé la faute du 18. Malheureusement tout ce qui restait de vigueur dans l’âme du maréchal paraît s’être épuisé à la bataille de Rezonville. Depuis lors, il semble qu’une inexplicable inertie paralyse le commandement et suspende toute opération sérieuse. On ne travaille plus à diriger les événemens ni même à les combattre ; on les subit et on s’y résigne. L’ennemi fera ce qu’il voudra autour de Metz, établira des batteries, creusera des fossés, s’abritera derrière des retranchemens ; on laisse le champ libre à son activité, on n’y oppose que la patience et la force d’inertie ; 240,00O spectateurs vont assister de loin, sans les interrompre, aux travaux de l’armée prussienne. En comptant la garnison, les gardes mobiles, les gardes nationaux, et 20,000 paysans que l’invasion a chassés dans la forteresse, le maréchal Bazaine dispose d’autant de bras que le prince Frédéric-Charles ; il pourrait disputer le terrain pied à pied, remuer autant de terre que les Prussiens, lutter avec la pioche et la bêche aussi bien qu’avec le fusil. Un Todleben leur ferait payer cher chacun de leurs pas. Nous y songeons si peu que nous leur abandonnons des positions très fortes, comme s’il ne nous restait d’autre ressource que de nous replier sous le canon des forts et d’y attendre qu’on nous attaque. Le débouché de la route de Saulny sur le plateau d’Amanvillers, la hauteur de Mercy, d’autres points encore faciles à défendre, difficiles à reconquérir, tombent du premier coup entre les mains de l’ennemi, étonné de son bonheur. Pendant ce temps, l’armée prussienne se resserrait autour de Metz, qu’elle entreprenait d’investir ; sans perdre un jour, elle coupait dès le 19 la route de Thionville et séparait l’armée française du reste de la Fiance.

Dans cette redoutable situation, quelle était la pensée du maréchal Bazaine, quel plan de délivrance méditait-il ? L’armée, confiante encore malgré l’échec du 18, pleine d’énergie d’ailleurs et du désir de se battre, n’attendait que le signal des plus vigoureuses opérations. Quelques esprits sceptiques et prévoyans pénétraient seuls le secret de l’embarras et de l’irrésolution de leur chef. La circonspection naturelle de celui-ci augmentait avec le péril. De même que par prudence ou par inertie il n’avait pu se décider franchement à s’éloigner de Metz, à marcher sans arrière-pensée, avec un plan de campagne arrêté, dans la direction de Verdun, il ne savait cette fois encore quel parti serait le meilleur. Resterait-il sous les murs de la forteresse ? tenterait-il la fortune en rase campagne ? essaierait-il de donner la main au maréchal de Mac-Mahon ? Il hésitait de nouveau, et en attendant laissait passer les jours, jours précieux, jours irréparables pendant lesquels se décidait la destinée de la France. Il comptait sur le temps plus que sur lui-même, Le temps lui apporterait peut-être une solution et un moyen de