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signature de l’armistice. Quelles conditions de paix différentes n’eussions-nous pas obtenues alors ! Le prince Frédéric-Charles aurait-il osé réclamer Metz pendant que Metz résistait encore ? Quel avantage aussi de retenir plus longtemps à l’extrémité de la France une partie de ces forces qui paralysèrent l’armée de la Loire, lorsque la capitulation signée par le maréchal Bazaine les eut rendues libres ! Pas un des soldats que M. de Moltke envoya relever les Bavarois entre Paris et Orléans n’eût pu être mis en ligne, si Metz en eût retenu la moitié autour de ses murs pendant que l’armée du Rhin entraînait l’autre moitié à sa suite, vers les Vosges ou vers Besançon. Le salut de la France peut-être, le salut de Metz à coup sûr, dépendaient donc des approvisionnemens de la place.

Le maréchal Bazaine comprend si bien l’importance capitale de la question des vivres dans l’histoire du, blocus de Metz, qu’il essaie en se justifiant de rejeter sur d’autres la responsabilité de la faute commise. « Malheureusement, dit-il, les autorités civiles et militaires n’avaient pas pris de dispositions quand il en était temps encore pour faire rentrer dans l’enceinte toutes les ressources en vivres et en fourrages des cantons voisins et augmenter ainsi les approvisionnemens en prévision d’un long blocus. » Il est difficile d’imaginer une réponse moins habile. Avant le 6 août, qui donc prévoyait parmi les chefs de l’armée les échecs du commencement de la campagne, qui prévint le conseil municipal que la ville serait bloquée douze jours après ? Le 7, la mise en état de siège supprimait les pouvoirs de l’autorité civile pour les transporter à l’autorité militaire, que le maréchal Bazaine recevait lui-même le 12 des mains de l’empereur. Qui donc, si ce n’est lui, devait donner l’ordre de pourvoir aux approvisionnemens ? Le commandant supérieur de la place, son subordonné, peu disposé par prudence à prendre une initiative que la loi ne lui donnait pas, eût sans doute obéi, autant que les circonstances le permettaient, si on lui avait prescrit de s’approvisionner ; mais il déclare formellement qu’il ne reçut aucun ordre. Il accuse même son chef d’avoir violé l’article 244 du décret de 1863 sur le service des places en s’emparant des munitions de guerre et de bouche contenues dans la forteresse sans les remplacer, comme le lui prescrivaient les règlemens militaires. Le soin que le maréchal Bazaine reproche à d’autres de n’avoir pas pris, la loi lui ordonnait à lui-même impérieusement de le prendre. Il a paru si important au législateur d’assurer le service des subsistances dans les places fortes, qu’il est interdit d’y toucher sans combler aussitôt les vides qu’on y fait. Cet article seul eût dû dicter au commandant en chef la résolution absolue de respecter les magasins militaires de Metz.

Quant aux autorités civiles qu’il met si imprudemment en cause,