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se renfermait-il dans la place sans opérer contre les lignes d’investissement de l’ennemi ? Quand commencerait la période des opérations actives ? Que signifiaient les fréquentes communications des deux quartiers-généraux dont le bruit se répandait dans la ville ? Était-ce le moment de négocier ? n’était-ce pas plutôt celui de combattre ? Des lettres envoyées chaque jour au maréchal Bazaine ou au maire témoignaient de l’impatience et des inquiétudes de la population. On en retrouve l’énergique expression dans une adresse couverte immédiatement de 800 signatures, qui fut rédigée le 26 septembre et remise le 30 du même mois au premier magistrat municipal de la cité par deux excellens citoyens, par M. Sturel, membre du conseil municipal, et par M. Emile Michel, peintre de paysage aussi estimé à Paris qu’en Lorraine. « Nous croyons, disaient les signataires de ce manifeste patriotique, que l’armée rassemblée sous nos murs est capable de grandes choses, mais nous croyons aussi qu’il est temps qu’elle les fasse. Chaque jour qui s’écoule amènera pour elle et pour nous des difficultés nouvelles… Nous croyons qu’il est temps d’agir, parce que l’insuccès lui-même vaut mieux que l’inaction, parce que tous les momens sont comptés, parce que, sans pouvoir discuter ni même indiquer des opérations militaires, le simple bon sens nous montre clairement que des entreprises énergiquement et rapidement conduites avec l’ensemble de forces dont on dispose peuvent amener des résultats considérables, peut-être même décisifs. Laisserons-nous venir le jour où, après avoir fermé les yeux, il faudra reconnaître que les retards nous ont été funestes et ont eu des conséquences irréparables ? Certes toute tentative est périlleuse ; mais avec le temps le péril sera-t-il moindre ? » D’autres phrases de l’adresse indiquaient avec discrétion, mais avec évidence, les secrets soupçons qu’inspiraient aux habitans les projets supposés du maréchal Bazaine. L’empire avait fait trop de mal à Metz, l’esprit libéral était trop puissant dans cette noble cité pour qu’on n’y repoussât pas nettement toute tentative de restauration bonapartiste. « Il ne nous appartient pas, disait-on, il n’appartient à personne, ni à un parti, ni à un homme, de régler les destinées de la France dans le secret. C’est au grand jour et pacifiquement que le scrutin auquel nous avons été conviés pourra seul en décider. »

Cette adresse, dont les Messins ont le droit d’être fiers, qui honore leur patriotisme et qui doit rester dans les archives de la cité comme un témoignage des efforts qu’ils ont faits pour sauver leur patrie, fut portée par le maire au maréchal Bazaine, déjà instruit de ce qu’elle contenait. Dans l’entretien qui s’engageait à ce sujet, le maréchal, si réservé d’ordinaire, si sobre de communications aux