Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitans de Metz, laissa échapper quelques paroles aussitôt recueillies par son interlocuteur et dignes d’être méditées. Des paroles du maréchal, deux choses résultent clairement : la première, qu’en prenant le commandement de l’armée du Rhin il n’avait pas choisi la position de Metz pour en faire le point central de ses manœuvres stratégiques, mais qu’elle lui avait été imposée par un ordre venu d’en haut dans l’intérêt de la dynastie ; la seconde, qu’il ne doutait pas de la possibilité de faire une trouée le jour où il le voudrait, mais qu’il ne savait où aller en sortant de Metz. — Le projet de détruire l’ennemi en détail et de le forcer à lever le siège par une série d’opérations vigoureuses, que beaucoup d’officiers caressaient, ne paraît même pas avoir occupé son esprit. Il songe du reste beaucoup moins aux avantages qu’aux inconvéniens de sa situation. Il semble surtout désireux de se mettre à couvert et d’écarter de lui la responsabilité des événemens ; s’il est resté à Metz dans une position difficile, au lieu de s’établir sur le plateau de Haye, comme il le souhaitait, derrière la Moselle, entre Pont-à-Mousson et Nancy, c’est l’empereur qui l’a voulu ; si maintenant il n’en sort pas, c’est que, faute de nouvelles, il hésite sur la route à suivre. Le maire de Metz comprit tout de suite qu’il ne fallait attendre du commandant en chef aucune résolution vigoureuse. La complaisance avec laquelle on énumérait les difficultés de la situation trahissait le fond de la pensée. Aucun mot n’avait été dit qui indiquât de la part du maréchal la volonté d’aborder franchement les obstacles, aucun surtout qui laissât voir le moindre souci d’épargner à la ville de Metz le sort inévitable auquel son inaction la condamnait. Il craint d’y laisser derrière lui un trop grand nombre de blessés en faisant une trouée, mais il ne craint pas en y restant d’y amener la famine, qui la perdra.

Il pensait autrement, cet intrépide soldat dont la statue décore la place de l’Hôtel-de-Ville de Metz ; il ne prenait pas si aisément son parti de la perte d’une ville où il commandait, lorsqu’il prononça ces nobles paroles inscrites avec raison sur le piédestal du monument que lui ont élevé ses compatriotes. « Si pour empêcher, disait-il, qu’une place que le roi m’a confiée ne tombât au pouvoir de l’ennemi, il fallait mettre à la brèche ma personne, ma famille et tout mon bien, je ne balancerais pas un moment à le faire. » Pendant le blocus de Metz, cette inscription se trouva un jour surmontée d’une couronne, comme si on voulait la désigner à l’attention de l’armée et de son chef. Le langage des journaux de la ville ressemblait quelquefois aussi à une exhortation indirecte, à une leçon d’histoire proposée avec intention. Le Courrier de la Moselle, rédigé durant cette triste période avec beaucoup de dignité et