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LE
FONCTIONNARISME DANS L'ETAT

Le plus ancien et le plus convaincu des partisans de la décentralisation disait dernièrement à l’assemblée nationale qu’il existe en France 600,000 fonctionnaires au moins, non compris 18,000 décorés de la légion d’honneur et 15,000 cantonniers. Outre qu’il plaignait cette classe nombreuse d’hommes auxquels la centralisation enlève presque toute indépendance, M. Raudot s’inquiétait aussi d’y voir une pépinière d’êtres mécontens de leur sort, soustraits par l’éloignement à l’influence salutaire de la famille, assouplis par l’habitude de la soumission au point d’avoir perdu le sentiment de la responsabilité personnelle. Les fonctions sont devenues si multiples en notre pays que chacun a eu mainte occasion d’observer ce qu’il y a de vrai dans l’affligeant tableau tracé par l’honorable député de l’Yonne. Cependant, si, après avoir constaté le mal, on cherche le remède, on se prend à douter qu’il suffise pour le trouver d’une loi sur la décentralisation. Le fonctionnarisme est l’œuvre des mœurs et non le produit d’un législateur égaré. Ce n’est point par une loi de circonstance, c’est en élaguant de notre pratique administrative aussi bien que de nos codes quantité de principes nuisibles que nous reviendrons à un organisme plus simple. Il ne faudra pas moins d’années peut-être pour entamer l’édifice de la centralisation qu’il n’en a fallu pour le construire.

Je me propose surtout d’étudier ici quel est le sort des fonctionnaires publics et quelles réformes exige leur condition. Comment se recrutent-ils ? Quelles influences agissent sur eux pendant leur temps d’exercice ? Que deviennent-ils après qu’ils ont cessé leurs fonctions ? Il peut sembler déplacé de réunir dans une même étude des hommes voués aux occupations les plus diverses et qui n’ont d’autre point commun que d’être rétribués sur le budget de l’état.