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et l’inspecteur, affublés bientôt d’une série d’adjectifs sonores. Directeur-général, principal, divisionnaire, voilà les multiples ; directeur-adjoint, sous-directeur, voilà les sous-multiples. Le jour où les mots vulgaires ne suffisaient plus, comment n’a-t-on pas deviné que l’on entrait dans une voie mauvaise ?

Ce n’est pas à dire toutefois que tous les services publics aient subi l’influence néfaste de ces idées modernes. Ce qui a été constitué ou reconstitué depuis bientôt vingt ans en porte plus spécialement la marque. D’autres administrations, que l’on semble avoir oubliées dans la série des organisations et réorganisations successives, conservent les méthodes anciennes qui sont maintenant un anachronisme. C’est une anomalie évidente dans le régime administratif du jour que de modeste facteur de la poste rétribué partie par l’état sous forme de traitement fixe, partie par sa clientèle sous forme d’étrennes au premier jour de l’année. On découvrirait un grand nombre de ces vestiges pour ainsi dire fossiles des saines traditions administratives dans les services départementaux et municipaux que le « zèle inquiet et perturbateur » (dit Tocqueville) des réformateurs modernes n’a pas eu le temps d’atteindre. Que de villes de province où subsistent encore des employés de mairie probes, intelligens, laborieux, avec un traitement infime que dédaignerait le plus humble des garçons de bureau d’un ministère, — des bibliothécaires, des conservateurs, des receveurs oubliés sur leur fauteuil bien au-delà de l’âge fatal auquel la loi du 9 juin 1853 enseigne que l’homme n’a plus ni vigueur ni capacité, — des administrateurs d’hospices que la confiance de leurs concitoyens appelle quelquefois à ces fonctions importantes quand le gouvernement leur a signifié par la mise à la retraite qu’ils ne sont plus bons à rien ! Et croit-on par hasard que les affaires communales et hospitalières soient moins bien gérées que celles de l’état ? C’est le contraire qui est vrai. A les examiner de près, on est étonné du peu qu’elles coûtent, des sages progrès qu’elles réalisent sans sacrifier de respectables traditions, et surtout de la quiétude qu’elles laissent à ceux qui dépendent d’elles.

Si l’on recherche quelles idées générales ont guidé les réformateurs de l’administration française dans leurs récentes tentatives, on ne voit guère d’autre principe que la préoccupation constante d’introduire partout une uniformité parfaite. L’uniforme chamarré de broderies que petits et gros employés se mettaient sur le dos aux jours de fêtes officielles pendant la période impériale était bien naïvement l’image apparente de l’identité de pensées, d’opinions, de travail, de mœurs, que l’état imposait à tous ceux qu’il nourrissait. En cela, il s’accordait avec des écoles socialistes fameuses, qu’il